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    Ceux que j’ai rencontré ne m’ont peut-être pas vu au Festival de Liège

    De et avec le Nimis Groupe

    Les 10 et 11 février 2015 à 20h30 au Festival de Liège

    Nous vous le disions il y a quelques semaines déjà, le Festival de Liège se veut fondamentalement engagé dans les problématiques actuelles et propose à ses spectateurs des pièces en prise directe avec la société.  Cette année, le directeur du festival Jean-Louis Colinet et son équipe ont voulu attirer notre attention sur une problématique en particulier, celle de l’immigration, avec comme angle d’approche un focus sur la tristement célèbre île de Lampedusa.

    L’île a particulièrement fait parler d’elle pour le naufrage d’un bateau de migrants en 2013.  Plus de cinq-cents personnes y ont alors perdu la vie.  Malgré l’émotion qui a suivi cette tragédie, la situation n’a guère évolué sur ce petit rocher situé près de la Sicile et considéré par beaucoup de migrants comme la porte d’entrée de l’Europe. C’est pourquoi, au travers du film de Mary Jimenez, d’une exposition photographique et de deux projets théâtraux, le Festival de Liège met l’accent sur ce lieu de transition entre l’Afrique et l’Europe.

    C’est dans ce contexte que nous avons retrouvé le Nimis Groupe et ses nouveaux collègues pour le spectacle Ceux que j’ai rencontré ne m’ont peut-être pas vu. Le Nimis Groupe c’est une compagnie issue de la rencontre de deux écoles de théâtre européennes, l’Ecole d’Acteurs de Liège et l’Ecole du Théâtre National de Bretagne. Lors de cet échange, les comédiens se sont sentis interpellés sur les conditions de leur rencontre, à savoir, qu’est-ce qui les définissait comme citoyens européens, qu’est-ce qui avait poussé à la plus ou moins disparition des frontières au sein de l’Europe et qu’en était-il des frontières extérieures ? « L’Autre » est alors rapidement devenu une nouvelle source de question.  Qu’en est-il de ces rencontres hors Europe ?  Comment visualise-t-on celui que nous ne connaissons pas ?  Le collectif est né du désir de répondre à toutes ces questions, du désir d’interroger les frontières mais également les politiques européennes en matière d’immigration.

    Pour appréhender le sujet en son cœur, le Nimis Groupe a fait un choix qui déterminera toute sa ligne de conduite future et son authenticité, il s’est centré sur l’homme.  Il est parti à la rencontre de personnes résidant au sein de centres ouverts ou fermés au travers de l’Europe et s’est constitué comme un recueil de paroles, de témoignages et de récits de vie.  Une série d’ateliers ont été mis en place depuis 2012 pour parvenir à la représentation d’aujourd’hui. A cette époque, l’envie était déjà là de développer une forme théâtrale qui pourrait contenir les témoignages de ces différentes rencontres et de les faire découvrir au travers de l’Europe à des publics locaux.

    De ces ateliers divers menés depuis 2012 est sorti une force qui se retrouve dans la pièce. Les séances de travail ont montré que le Nimis groupe possède une faculté admirable à réussir à faire collaborer ensemble de parfaits inconnus dans une confiance, une écoute et un respect mutuel qu’il est rare de voir se développer aussi rapidement entre les gens. Ces acteurs ont créé une expérience collective qui n’existe que pour être partagée. Un souffle de création qui prend racine et grandit à chaque intervention des participants. Le collectif a mis en avant lors de ces ateliers une abondance d’humanité et a permis des rencontres inattendues, des partages d’expériences impensables, des témoignages de vies inimaginables.  Ces prises de conscience qui nous font nous interroger sur la possibilité de ce monde à tourner encore… Il est également ressorti de ces sessions toute la difficulté de témoigner et d’arriver à rendre compte d’une expérience dans toutes ses dimensions.

    Dans Ceux que j’ai rencontré ne m’ont peut-être pas vu, le collectif a réussi à garder la beauté de ces moments comme matière première.  C’est donc avant tout l’humanité et l’authenticité qui s’expriment.  Les acteurs du Nimis Groupe sont accompagnés sur la scène par des acteurs en devenir, rencontrés au sein des centres belges et présents pour témoigner de leur histoire personnelle.  Mais cette pièce engagée, c’est aussi un théâtre fondamentalement pédagogique dont on ressort grandi et plus cultivé. Le spectateur réalise que l’Europe a mis en place un système monstrueux, Frontex, qui gère ses frontières à coup d’armes et de hautes technologies, un système qui n’affronte pas des êtres humains mais des flux migratoires. Un système qui déshumanise, tout à l’inverse de Ceux que j’ai rencontré ne m’ont peut-être pas vu.

    En abordant un sujet vaste et complexe dans la sincérité et l’humour, les acteurs arrivent à être particulièrement clairs dans leurs propos.  En choisissant de créer un contact direct avec les personnes concernées par les nouveaux réseaux de migrations, ils touchent les spectateurs au cœur et les sensibilisent d’autant plus à la question de l’immigration. Ils les encouragent à lever le voile sur ce qui se passe aux abords du territoire européen.  Résultat, après les applaudissements, ce sont des effusions de témoignages d’affection qui prennent place sur la scène et des remerciements emplis d’émotions quand les spectateurs viennent à la rencontre des acteurs.

    L’intention première du collectif Nimis Groupe était de réaliser une sorte de « chœur européen antique » non tragique, ce point est réussi.  Nous ne pouvons plus que leurs souhaiter, à eux et à leurs nouveaux compagnons, que ce chœur sera aussi mobile que possible et attendu avec impatience de lieu en lieu!

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