Du collectif Transquinquennal. De, par, et avec : Alexandra Bouron, Bernard Breuse, Miguel Decleire, Sara Selma Dolorès, Francine Landrain, Stéphane Olivier, Charlotte Ducousso. Du 23 mars au 26 mars 2023, présenté par le Rideau de Bruxelles, au Théâtre Marni.
Pendant que le public prend place, des comédiens frappent dans les mains comme on applaudit à la fin d’un spectacle. « Merci à toutes et tous d’avoir été présents, dit l’un d’eux. Ça fait du bien. » On avance dans la représentation comme dans un rétro-planning, en partant du futur pour arriver au présent. Et le dénouement est d’emblée annoncé du 12 au 16 décembre prochain au Théâtre National avec Là maintenant. « Le premier janvier 2024, Transquinquennal aura cessé d’exister ».
Le collectif théâtral, fondé en 1989 par Pierre Sartenaer et Bernard Breuse, a, en effet, annoncé qu’il se ferait hara kiri cette année (le retard d’un an sur la date initialement annoncée doit être imputée au Covid). Le projet est d’ailleurs clairement exprimé et développé dans la dernière demande officielle auprès de la Communauté française d’un contrat programme pour la période 2018-2022 (que le groupe, dans un souci de transparence, publie sur son site web).
Sur scène, Bernard Breuse, Miguel Decleire et Stéphane Olivier (qui composent avec l’administratrice/chargée de production, Brigitte Neervoort, le collectif sociocratique) sont épaulés par « quatre femmes formidables »: Alexandra Bouron, Sara Selma Dolores, Charlotte Ducousso et Francine Landrain. Tout de go, ils annoncent qu’ils opèrent un virage à 180°. Après avoir, « de façon pas burlesque et un peu désespérée », soulevé des problèmes auxquels il faut trouver des solutions, « C’est maintenant » se veut un spectacle optimiste. Et d’ailleurs, il n’y a pas lieu d’être triste parce que « finir, c’est changer ». Ils préviennent également qu’ils ne salueront pas au terme de leur prestation. Historiquement, le salut ce sont les comédiens qui s’inclinent devant le roi. « c’est pas notre genre ».
Comme souvent dans les pièces du collectif, les comédiens s’expriment sur le ton de la conversation. Une conversation qui porte sur tout et sur rien, allant de ce qui distingue, ou pas, la nature de la culture, au pouvoir de la fiction contre lequel Transquinquennal lutte de longue date, en passant par le réchauffement climatique, la nostalgie et la causalité, sans oublier la rétro-causalité (brillamment illustrée).
Pour suivre ce soliloque théâtral, le spectateur est aidé par l’arc dramatique, un dispositif en forme d’équerre qui commence à « Début du spectacle » et se termine à « Fin du spectacle » en passant par par le sommet « Climax » et différentes étapes intermédiaires (appel de la quête, premier obstacle, ventre mou, transformation, …). Une flèche se déplace sur la ligne du temps dramatique au gré de l’avancement de la représentation.
Suite d’instants, de tableaux, de performances, « C’est maintenant » décline pensées, réflexions, citations transformant avec ironie le réel en fiction sous les yeux du public (ce qui, pour le collectif, constitue l’essence d’un spectacle). Ce chant du cygne s’inscrit pleinement dans l’entreprise de désobéissance aux normes et de déconstruction des codes du théâtre que Transquinquennal mène depuis plus de trente ans. Un moment à vivre avant d’imaginer une riposte au réel.