De et avec Yvain Juillard. Du 3 au 21 mars 2020 au Théâtre des Martyrs.
Crédit photo : Hichem Dahes
Comment le cerveau crée-t-il la réalité ? Voici la question centrale de cette conférence-spectacle qui, après différentes années de création et de représentations, a reçu le Label d’utilité publique et a transformé la petite salle du Théâtre des Martyrs en lieu d’expérimentation. Yvain Juillard, ancien biophysicien spécialisé dans la plasticité cérébrale nous propose une réflexion à la fois scientifique et sociale sur cette étonnante illusion qui est la réalité. A l’aide d’expériences pratiques assez surprenantes et de sa présence passionnée et passionnante, il nous partage les dernières découvertes neuroscientifiques et nous met en garde sur l’habilité de notre cerveau de « nous mettre en boîte » et de pouvoir nous piéger.
Au travers des cinq sens, de la mémoire et des connexions neuronales, la réalité nous apparaît évidente. Mais cette réalité ne sera jamais la même que celle d’une autre personne. Personne ne pourra jamais vivre exactement la même situation, avec la même perception : chacun vit son propre film et les « convictions » ne sont que des illusions que notre Faiseur de réalité fabrique pour nous. Si on rentre dans cette optique, il apparaît clairement la difficulté de communication entre individus, car c’est extrêmement difficile pour un être humain de questionner la véridicité de sa perception. « Je sais ce que je vois ! » dirions-nous, eh bien, c’est troublant de se rendre compte de la manière dans laquelle le cerveau fabrique notre réalité, comme un artisan infatigable, jour et nuit, en piochant dans notre mémoire et en projetant nos perceptions.
L’acteur-conférencier joue avec la limite entre réalité et fiction théâtrale pour restituer sur scène l’ambivalence de ce qui nous entoure. Au théâtre on joue avec les perceptions du spectateur et on crée une réalité qui, par définition, est fictive, théâtrale, imaginée. Mais dans la vie de tous les jours, est-ce vraiment différent ? Le marketing, par exemple, n’utilise-t-il pas ces connaissances neuroscientifiques pour manipuler un message et induire à un certain comportement ? La réalité sociale apparaît ainsi comme une pièce de théâtre pas déclarée, comme une illusion dans laquelle notre système est ancré.
Comment imaginez-vous le monde dans cent ans ? Une autre belle question qui anime ce spectacle. Il est clair qu’en ignorant les dynamiques phénoménales qui se passent dans notre tête, nous sommes des étrangers pour nous-mêmes. Quel type d’évolution pouvons-nous imaginer avec cette base ? Cerebrum ne donne pas une réponse univoque mais nous laisse avec plusieurs pistes de réflexion. Est-il possible de repenser la société à la lumière de ce que l’on sait sur notre cerveau, faiseur de réalité ?
Grâce à Cerebrum, le théâtre devient un moyen de s’approprier nos processus métacognitifs, de mettre en place cette dynamique de la pensée par laquelle développer un esprit critique libre et responsable et, peut-être, poser des bases différentes pour la société du siècle prochain.