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    Celui qui se moque du crocodile n’a pas traversé la rivière aux Martyrs

    Texte, interprétation et création de François Ebouele et Guy Theunissen, mise en scène de Brigitte Bailleux et Yaya Mbile Bitang, Photo: © Isabelle De Beir

    Du 28 avril au 30 mai 2015 à 20h30 au Théâtre de la Place des Martyrs

    C’est l’histoire de deux amis qui se rencontrent au Cameroun en 2003 : l’un est belge et s’appelle Guy Theunissen et l’autre est camerounais et se nomme François Ebouele. Mais pour parvenir à nourrir cette belle amitié, il a fallu que l’un comme l’autre traverse la rivière… Métaphore autant géographique que symbolique. A travers diverses anecdotes et autres souvenirs, chacun des deux acteurs nous raconte sa vision du pays de l’autre, ses premières impressions, les choses à faire… ou pas. Peu à peu les différences commencent à devenir frappantes comme à travers des dates qui furent importantes dans leur vie personnelle mais vécues de manière totalement différente par chacun d’eux : tel que la chute du mur de Berlin, l’élection de Mitterand, la coupe du monde de football à Mexico, etc.

    D’autres événements sont ensuite mis en évidence notamment ceux qui ont eu un impact direct sur leurs communautés respectives comme la mort de Martin Luther King, l’indépendance Tchatcha, le discours de Christiane Taubira et on en passe. Tout cela nous amène à considérer ce qui sépare l’Europe de l’Afrique, ce qui fait que chacun des deux parties à des reproches à faire à l’autre. On évoque ainsi la dette africaine déjà remboursée plusieurs fois, de cette manière qu’ont les gens de s’appeler mutuellement par leur couleur de peau, termes péjoratifs dans les deux sens. Cette manie qu’ont les gens de toujours se renvoyer la faute comme une balle dans un match de volley.

    Nous ne sommes pas responsables des fautes de nos aînés par contre nous sommes les héritiers de ces dégâts et c’est à nous, au lieu de nous voiler la face, d’accepter ce fait et de tout faire pour les réparer à défaut de pouvoir les effacer. Il n’y a rien de pire que de nier la vérité en faisant l’autruche. Cela ne fait que desservir l’un ou l’autre camp. Deux camps ? Deux mondes ? Ne vivons-nous pas dans le même monde ? Au lieu de mettre en avant ce qui nous sépare, ne pouvons-nous pas prendre nos différences pour nous enrichir mutuellement et faire rejaillir ce qui nous rassemble ? C’est surtout cette question et ce fait que se base le spectacle. La pièce s’achève sur la mention de la Charte du Mandé* : alors que l’Europe s’empêtre dans les guerres et s’embourbe dans son système féodal au milieu du Moyen Âge, dans ce même XIIIe siècle les chasseurs mirent au point cette charte ce qui en fait la première déclaration des droits de l’Homme. Les chasseurs déclarent : « La faim n’est pas une bonne chose. L’esclavage n’est pas non plus une bonne chose. Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. » Ils avaient tout compris.

    Une pièce qui nous réveille sur le bien-fondé de nos stéréotypes et qui nous demande instamment de ne pas y succomber au risque de détruire ce qu’il reste de ces valeurs que l’on a tendance à oublier : le partage et l’amitié.

    *Charte retranscrite par Amadou Diallo, dans son article « La Charte du Mandé et de Kuruganfuga : première constitution africaine ou universelle ? »

    Daphné Troniseck
    Daphné Troniseck
    Journaliste du Suricate Magazine

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