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    Cauchemars ex machina, la mécanique de l’intrigue

    Scénario : Thierry Smolderen
    Dessin : Jorge Gonzalez
    Éditeur : Dargaud
    Sortie : 14 janvier 2022
    Genre : Uchronie, guerre

    Si la Seconde Guerre Mondiale a inspiré bien des auteurs qui en ont fait le décor de crimes sordides et d’énigmes noires, il est plus rare que l’art du polar ait une incidence sur les stratégies militaires. Et quand des auteurs de bande dessinée accouchent d’un récit dans lequel ceux qui représentent la fine crème du roman policier mettent à profit leur imagination pour affaiblir l’ennemi allemand, ça devient carrément méta. C’est ce que nous proposent Thierry Smolderen et Jorge Gonzalez dans Cauchemars Ex Machina.

    Margery Allingham et son acolyte, un écrivain dissident allemand et réfugié en Angleterre, sont réquisitionnés pour empêcher le lancement d’une arme hautement destructrice dont la conception est dirigée par l’oncle du baron Von Richtenback. Pour approcher les hautes sphères nazies sans se faire prendre, ils tendront un piège à un romancier de gare, qui puise dans ses rêves toute la médiocrité de ses histoires et dont s’est entiché le baron.

    Des idées de scénario non exploitées

    L’ambition du scénariste Thierry Smolderen est comparable à celle des personnages. On se laisse porter par la trame de ce scénario innovant mais très vite le récit s’emberlificote. Comme pour trouver des solutions à des énigmes insolvables, le scénariste multiplie les objets et les sujets. Que va-t-il bien faire d’une hache préhistorique ou encore d’une contrebasse gelée ? Notre curiosité est piquée. Mais souvent il n’en fait rien, si ce n’est s’en servir pour noyer le lecteur. Comme Richelin, on dirait que Smolderen a une excellente idée d’intrigue, sans en avoir la fin. Mais après tout, ce qui compte dans l’effort, c’est avant tout l’action, plutôt que le résultat. Et en terme d’action, Smolderen est fort. Son histoire est prenante et le caractère vivant de ses personnages n’est pas seulement dépendant des qualités graphiques de l’album. 

    Un dessin parfaitement adapté à l’histoire

    Quoi de plus difficile à truquer que la neige ? Le crime parfait, immaculé, a lieu dans la blancheur des sommets alpins. Mais le frisson qui nous parcourt incombe moins au meurtre qu’à la fraîcheur du dessin de Jorge Gonzalez. Cet illustre dessinateur prouve encore une fois que l’Argentine n’est pas en reste quand il s’agit de former des bédéistes de qualité, nous revient avec ce style qui a fait son succès et qui s’adapte parfaitement au récit. Le contexte de la guerre semble écrit pour lui, ses ambiances, son choix des couleurs et ses cases sombres dans lesquelles ne se révèlent que quelques détails discrets. Il met à profit la texture, jouant sur les collages et les superpositions. Ses décors sont aussi spectaculaires que ses personnages, à la mine grisâtre, comme dessinés sur du carton mais paradoxalement pleins de vie. La multiplication des traits qui ébauchent les visages créent comme des vibrations qui leur donnent du mouvement et de l’expressivité. L’importance d’une narration forte que s’impose Smolderen, scénariste encore fort attaché à la bande dessinée traditionnelle, se marie parfaitement aux extravagances visuelles de l’artiste argentin.

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