Titre : Anita Conti
Auteurs : José-Louis Bocquet et Catel Muller
Éditions : Casterman
Date de parution : 18 septembre 2024
Genre : Roman graphique
Dans le monde de la bande dessinée, on ne les présente plus. Catel et Bocquet. Un couple mythique, connu pour sa dévotion aux femmes anonymes. En cette rentrée 2024, l’océanographe Anita Conti est, donc, venue grossir les rangs de leur série « Les clandestines de l’histoire ».
Le couple que forme Catel et Bocquet, professionnellement et dans l’intimité, dédie leur dernier album à celle qu’on appelle « La reine de la mer ». Si le nom de cette première femme océanographe nous est, jusque-là, inconnu, il est loin de l’être pour les bédéistes qui vivent dans la ville côtière normande de Fécamp où se visitent la boucane d’Anita. Après Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker ou encore Alice Guy, n’était-il, donc, pas temps de mettre à l’honneur cette figure régionale ?
Anita est une enfant de la mer qui passe son temps les pieds dans l’eau. Petite, elle ne se laisse pas démonter par sa rencontre avec le requin marteau qui renverse leur rafiot et elle décide de reprendre la mer aussitôt leur coquille de noix écopée. Cette passion peut-être la doit-elle à son père, médecin hygiéniste et fermement convaincu que, pour des raisons de santé, Anita doit prendre connaissance le plus tôt possible du monde aquatique. Il la plonge dans un bain d’eau salée, dont il loue les valeurs curatives, alors qu’elle était encore en âge d’être allaitée. Cette poulotte savait nager avant de savoir marcher, diraient les marins. Sa vie prendra alors la forme d’une suite de voyages. Plus habituée à la houle des flots qu’à la fermeté du sol, Anita ne tient pas en place. « Le destin de chaque homme est comme une route à suivre sur la terre ferme… Embarquer pour plusieurs mois sur un navire, c’est quitter la route ».
D’abord, elle met sa science au profit de l’Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes. En sa qualité de personne auxiliaire chargée de la propagande, son rôle premier est de relayer les campagnes de pêche pour faire connaître au monde les fonctions de cet organisme public. Accessoirement, elle se donne aussi pour mission de sensibiliser les Français aux problèmes liés à la surpêche, question qui sera d’ailleurs le point d’ancrage d’une partie des actions qu’elle mènera durant sa vie. Alors que la guerre plonge l’Europe dans une marée d’effroi, Anita est mandatée pour trouver dans les océans des solutions viables à la famine. Et enfin, elle prend le large pour mener à bien, avec son amie Paquerette, un projet presque entièrement auto-financé de réinsertion sociale par la pêche qui favorise aussi l’autosuffisance. Quand même, quelle nana cette Anita !
Catel et Bocquet ont trouvé avec ces « Clandestines de l’histoire » une formule qui marche. D’abord il y a une mouvance féministe qui prend d’assaut ce médium trop longtemps occupé par des hommes. Et il faut le dire, cette tendance rencontre les besoins de son lectorat. Et puis Anita Conti, c’est évidemment le retour de ces noirs et blancs extrêmement contrasté, de ces destins écrits en puzzle, morcelés par un amas de souvenirs qui forment une vie, et une bibliographie (un peu trop) bavarde. Catel et Bocquet ; une recette établie. Pas de prises de risques mais un produit parfait. Une valeur sûre.