Castigat ridendo mores, La Convivialité corrige les mœurs en en riant

© Kevin Matagne

Conception et écriture : Arnaud Hoedt et Jérôme Piron. Co-mise en scène : Dominique Bréda, Arnaud Pirault et Clément Thirion. Jeu : Philippe Couture, Arnaud Hoedt, Jérôme Piron, Antoni Severino (en alternance). Du 23 mai au 31 mai 2024 au Rideau de Bruxelles.

Toutes celles et ceux qui côtoient des enfants de manière régulière, que ce soit les leurs ou non, le savent : quand on est petit, on demande souvent « Pourquoi ? ». Et pourquoi ci ? Et pourquoi ça ? Et toujours vouloir connaitre le pourquoi du pourquoi ou le pourquoi du comment. Ce à quoi, en bons adultes, on répond avec un cynisme non feint soit « pour faire parler les curieux » soit tout simplement « parce que ». Et s’il est vrai que la curiosité peut être un vilain défaut « mêle-toi de ce qui te regarde en fait », elle est aussi une très grande qualité. Sans curiosité, pas de découverte scientifique, pas de recherches historique ou géographique, pas de développement technique. Sans curiosité, tout est dogmatique, régi par l’arbitraire et toute pratique ou toute opinion venant remettre en question le cadre prédéfini est une hérésie qu’il faut combattre, voire punir. Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est que, si pour certaine chose, cette doctrine semble tout à fait hors de propos (science, histoire, technologie), pour d’autres, elle est tout fait acceptée. Si on pense de suite à l’aspect dogmatique des religions, il n’y a pas à chercher aussi loin pour trouver un sujet sur lequel les remises en question…sont remise en question : l’orthographe.

La convivialité part d’un constat simple : on juge souvent les gens sur leur orthographe, mais on ne juge jamais au grand jamais, l’orthographe elle-même. Et lorsqu’un enfant questionne l’orthographe, on répond tout bonnement « c’est comme ça ». Est-ce qu’en tant qu’adulte, on adhère plus facilement à des dogmes ? Est-ce qu’on a plus le temps ou l’énergie nécessaire à remettre tout en question ? Est-ce qu’on a tellement souffert de l’apprentissage qu’on ne conçoit pas que d’autres en soient dispensés ? Mais surtout, pourquoi ? Pourquoi ça fait si mal d’accepter un changement orthographique ? Pourquoi ça pique autant les yeux de voir un mot écrit différemment de la manière dont on l’a appris ?

C’est à toutes ces questions que ce spectacle-conférence répond. Via une rhétorique parfaitement huilée et des exemples à la pelle, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, interrogent notre rapport à l’orthographe, à son apparente immuabilité, mettant en exergue ce qu’on appelle « particularités », et qu’on pourrait très bien nommer « absurdités », montrant le caractère souvent arbitraire, parfois hasardeux, de l’orthographe de la langue française. Avec beaucoup d’humour, souvent né des facéties de notre orthographe d’ailleurs, La convivialité, nous invite gentiment à nous décontracter sur des questions qui prennent des proportions énormes, et très souvent politiques, dans les médias. L’orthographe est une norme qui fut remise en question par les plus grands auteurs de la langue française, par ceux-là même qu’on croit défendre en s’offusquant du moindre changement. En partant de là, on peut choisir la peau dans laquelle La convivialité nous met. Soit celle de l’enfant qui interroge tout puisque rien n’est sacré pour lui. Soit celle du grand écrivain questionnant, comme tout professionnel, son outil de travail. Ou alors, serait-ce même les grands auteurs qui ont gardé une âme de grands enfants ? On vous laisse vous poser la question, en espérant que vous aurez l’audace d’y répondre.