titre : Carnets clandestins
auteur : Nicolás Giacobone
édition : Sonatine
sortie : 9 mai 2019
genre : roman
Dans son premier livre Carnets clandestins, Nicolás Giacobone se glisse dans la peau de Pablo Betances, un petit scénariste doué mais peu connu, que séquestre un réalisateur argentin mégalo, Santiago Salvatierra. Écrit sous forme de journal intime, Carnets clandestins retrace, à la première personne, l’enfer du pauvre Pablo.
La raison pour laquelle Santiago a enlevé Betances est simple. Par amour de l’art mais surtout par amour de lui-même, Santiago est convaincu qu’il doit réaliser le film qui va faire basculer l’histoire du cinéma. Mais n’ayant pas l’étoffe d’un écrivain, il a besoin des talents de Pablo pour coucher sur papier un scénario à la hauteur de ses ambitions. Pendant tout le temps que durera sa réclusion, Pablo rapportera dans ces carnets clandestins son quotidien composé de bouffe mexicaine et de pets malodorants ainsi que son rapport à l’écriture qui, dans sa situation, devient très particulier. Carnets clandestins c’est un moyen pour Nicolas Giacobone – scénariste oscarisé pour Birdman – d’aménager un espace de réflexion au sujet de l’art et de la littérature par le biais d’une intrigue à la Stephen King.
Derrière ce script bien pensé, se cache un exercice formel : Giacobone adapte son style à son sujet. L’écriture est, comme celle d’un scénario, directe et concise ; comme celle d’un journal intime, confuse et désordonnée. Giacobone veut vraiment donner au lecteur le sentiment qu’il voyage au cœur des pensées de Pablo Betances. Mais l’exercice est plus compliqué qu’il n’y parait et le résultat dépend pour beaucoup de la bonne construction du personnage narrateur.
Malheureusement, dans Carnets clandestins, cette pratique se solde par un échec. Non seulement Giacobone n’a pas su rendre le caractère de Betances vraiment digne d’intérêt, mais il n’a pas su tirer profit de la situation dans laquelle il a glissé son héros. Betances manque de singularité. C’est un homme simple et résigné qui parle de son enfermement comme il ferait une liste de courses.
Giacobone parvient à parler de manière parfois assez juste des questionnements auxquels sont confrontés ceux qui se lancent dans des projets créatifs, avec beaucoup d’humour d’ailleurs. Son ton satirique n’est pas sans rappeler l’univers décalé de Birdman. Mais ce n’est pas suffisant pour combler l’ennui que suscite une trame narrative monotone et des personnages encore trop inconsistants. Lire Carnets clandestins, c’est comme faire l’acquisition d’un journal intime écrit sur le vif et sans retouches, mais dont le propriétaire n’a pas grand-chose à raconter.