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    Camus – Dire Noces au Théâtre des Martyrs

    Joué et mis en scène par Michel Voïta d’après Noces d’Albert Camus. Du 17 Avril au 9 Mai 2018 au Théâtre des Martyrs. Crédit photo : Chantal Dervey

     

    « Il est des lieux où meurt l’esprit pour que naisse une vérité qui est sa négation même. » Albert Camus

    La porte de la salle se ferme, et Michel Voïta s’y faufile au dernier moment. Une entrée fugace et habile qui donne le ton de la prochaine heure. Un temps suspendu où le comédien tentera d’explorer l’esprit de Camus, de s’approcher au plus près de l’homme, de ses sensations et de ses révoltes.

    Une chaise, une table, une lumière, Michel Voïta clame son texte sur une scénographie épurée et intimiste. Son élocution est accompagnée par quelques mouvements, comme un leitmotiv chorégraphié qui saura rythmer la pièce.

    Dans une performance de plus d’une heure, avec peu de souffle, l’acteur débite ses mots comme il traverse les terres algériennes. Se dessine peu à peu les paysages et le regard de Camus, et l’on voyage de Tipasa à Djémila à l’allure d’un coucher de soleil. L’homme face à nous fait preuve d’une diction impressionnante mais surtout d’une intelligence d’être et de présence. Il nous clame son texte avec précision, tel un chirurgien du verbe, en perfectionnant son ton, ses virgules et ses images. On perçoit sa recherche constante de vivre et de ressentir ce que voit Camus. Michel Voïta devient l’intermédiaire de ses écrits, leur donnant vie dans la transmission.

    Le recueil Noces est un choix de textes audacieux. Il réunit trois écrits de Camus dans lesquels ce dernier témoigne de la beauté de la nature face à la condition de l’homme. Il cherche à retourner à la source, celle de notre plaisir simple et primaire, puis continue en critiquant le puritanisme dans lequel il vit, cette foule d’homme incapable de voir et de ressentir ce qui l’entoure. Entre exaltation et révolte, Michel Voïta incarne le lyrisme, toujours à vif, de l’écrivain.

    Clamer Camus n’est pas un défi facile. Comment devenir cet homme si engagé dont les pensées sont écrites pour être lues et qui ont déjà su nous plonger dans un espace intime et personnel ? Nous ne sommes pas vierge d’attentes et d’imaginaires quand nous arrivons face à lui. C’est peut-être ce qui nous a fait imaginer un autre jeu, une révolte plus directe et plus coupante, toujours sur un fil. Le comédien illustre mais n’affirme jamais son coup, et nous avons ressenti ce manque. On apprécie sa générosité, mais elle n’est pas toujours suffisante. Son approche est classique et manque parfois de nous surprendre ou de nous remuer. Le lyrisme est habilement peint mais la révolte se fait plus hésitante.

    Si l’interprétation se risque à laisser le spectateur sur sa faim, on prend cependant réellement plaisir à entendre et vivre les réflexions d’Albert Camus à travers Michel Voïta. Une véritable ode à l’homme libre, une urgence d’être et de vivre : que l’homme soit révolté et passionné, qu’il ne cesse de jouir de la vie, tant dans son bonheur que dans son malheur.

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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