Titre : Bruxelles
Auteur : Daphné Tamage
Maison d’édition : L’arbre qui marche
Date de parution : 20 Février 2025
Genre du livre : Guide touristique
Bruxelles, capitale de ce drôle de pays artificiel (comme tous les pays, du reste) qu’est la Belgique, a droit à son petit guide, dans une collection qui nous invite également à passer du temps à Ljubljana, Bogota ou Rome. Sauf que ce guide est un peu particulier car écrit « comme un roman », comme une fiction, dans laquelle Bruxelles devient le lieu de rencontres, de souvenirs et de récits d’une héroïne, Daphné.
Drôle de proposition de laquelle s’est emparée Daphné Tamage, d’une manière très personnelle, on ose croire, ou auto-fictionnalisée, et peut-être aussi osée. En-effet, qui aurait l’idée d’écrire un guide touristique promouvant la ville en faisant y revenir un personnage, Daphné, dans cette ville maudite qu’elle vomit presque. Elle qui a le droit de se prélasser près d’un lac italien (Orta), dans le Piémont italien, où elle a déménagé pour y vivre (et y travailler ?) va devoir se taper un aller-retour Italie-Bruxelles pour enterrer un homme qui lui a servi de maître à penser, tandis qu’avec un petit chat en cage, héritage non désiré, elle fera le tour de la capitale (d’une partie du moins) pour lui trouver sa nouvelle propriétaire, non sans crise de larmes inutiles et angoissées, signes d’une détresse existentielle dont on n’aura pas l’accès.
Le chemin est donc guidé, et ce chemin sera celui de la nostalgie puissance mille et de la petite bourgeoisie bruxelloise qui s’enorgueillit de boire du champagne en mangeant des huitres sur le marché de Flagey le samedi matin. Rien de mal à cela, les bourgeois ont le droit de vivre, si ce n’est que le côté hors-sol du récit se fait rapidement sentir. Non seulement celle qui nous guide ne vit plus en Belgique ou à Bruxelles parce qu’elle a les moyens de s’éveiller et de travailler (nous supposons) depuis le Piémont italien et son lac d’Orta, mais en plus quand elle ne râle pas sur cette ville moche, grise et dégueulasse qu’est Bruxelles (excepté Uccle et les étangs d’Ixelles), son Bruxelles n’existe plus vraiment et est en fait celui de son mentor.
Daphné, qu’on imagine avoir le même âge que son autrice, autour de la trentaine, est donc dans une virée full nostalgie d’une époque qu’elle n’a connue qu’à travers la narration légendaire d’un homme qui vient de décéder, un homme qui aura vécu sa vie, qu’on pense plus ou moins longue, dans les jazz bars, et qui lui aura longuement parler d’art nouveau, d’art déco, de Jacques Brel (le grand Jacques est partout) et de Barbara. Le Bruxelles qui nous est décrit de manière très mélancolique, avec cet air entraînant du « c’était mieux avant » centralise son récit au début du vingtième siècle, et met à l’affiche ces nombreux hommes blancs, cinquantaine remuante, qui s’encanaillaient entre eux dans des bars tous plus cools et plus bruxellois que ce qu’on ne peut trouver maintenant, la gentrification tuant peu à peu la ville, sans parler du reste.
Cela étant dit, et si on accepte le postulat de l’autrice et sa nostalgie tendance naphtaline, on apprend beaucoup de choses en lisant ce livre, et le Bruxelles qu’il dépeint (Ixelles, Saint Catherine, pour dire à quel point ce livre est subjectivement bourgeois et qu’il ne décrit qu’une minime part de Bruxelles). Arrivé à Bruxelles et vivant à Ixelles depuis peu, c’est appréciable de savoir qu’Audrey Hepburn est née à quelques mètres de chez moi et qu’Agnès Varda a vécu près des étangs. L’ouvrage offre aussi la possibilité de découvrir la ville, selon le point de vue de l’autrice, à travers 5 itinéraires liés à des Q-Codes, où des restaurants, des bars et des musées sont indiqués comme des points à ne pas rater lorsqu’on visite la capitale de la Belgique (avec des points immanquables à… Uccle, vous l’aurez compris).