Broken Horses
de Vidhu Vinod Chopra
Drame, Policier
Avec Anton Yelchin, Vincent D’Onofrio, Thomas Jane
Sorti en DVD le 13 janvier 2016
Quelque part, non loin de la frontière mexicaine, Julius Hench règne en maître sur une région désolée et gangrenée par les trafics en tout genre. Buddy, l’un des hommes de main bien utiles de Julius, est un jeune homme simple d’esprit ayant rejoint la mafia locale à la mort de son père. Mais le retour de son frère Jacob, parti un temps à New York, va mettre le feu aux poudres.
Adaptation américaine du film indien Parinda sorti en 1989, Broken Horses est un pari audacieux de la part du réalisateur Vidhu Vinod Chopra, puisqu’il oppose deux pays antagonistes via une histoire régionale et sociétale. Certes, les guerres mafieuses sont universelles, mais les contextes sociaux sont différents et les relations humaines varient elles aussi.
Broken Horses est une réalisation salutaire car elle replonge le cinéphile dans l’ambiance oubliée des westerns des années 70. Une image noircie d’un nulle part désertique, voilà ce que propose la photographie de ce thriller redneck dans lequel évoluent des personnages singuliers, aussi pauvres esthétiquement qu’intellectuellement. En ce point, Broken Horses est une grande réussite tant il sent la transpiration aigre d’une ambiance anxiogène.
De même, l’écriture des personnages est époustouflante. Chaque protagoniste a sa place dans ce vide où l’humanité est la seule à ne pas trouver la sienne. En axant exclusivement son récit autour de la pègre, de ceux et celles qui la subissent ou la créent, Vidhu Vinod Chopra a exclu du champ de la caméra tout figurant, tout être normal et donc, toute vie. Ce choix ajoute encore un peu plus de noir à un récit qui n’hésite pas à surexploiter la violence pour mieux servir son propos.
Pourtant, si tout est techniquement réussi, on ne peut en dire autant du fil rouge de l’histoire : l’amour fraternel. De fait, cette bromance s’avère être l’unique élément de l’intrigue mais peine à convaincre et donc à faire décoller le scénario. Ce constat d’échec partiel découle de l’impuissance du réalisateur à échapper à deux écueils. Premièrement, le cinéaste est piégé par le poids des traditions indiennes. Dans Broken Horses, on entrevoit à chaque instant la complexité des rapports endogames de la société indienne où les clans, les castes, les sexes, les origines ont davantage d’impact sur les choix de l’individu que dans nos contrées. Comprendre les questionnements de Buddy et de Jacob sur leurs propres conditions passe irrémédiablement par là. De même, la violence de la société indienne est bien plus exacerbée que celle des Etats-Unis. Elle est plus quotidienne, plus insidieuse, mieux installée au sein même du cercle familial. En ce sens, elle permet alors de lire le cheminement psychologique d’un personnage comme celui de Jacob.
Deuxième écueil de taille, plus cinématographique lui, c’est celui de s’être laissé aller à la facilité en terminant la narration sur une apothéose pyrotechnique incohérente. De fait, la fin est bâclée, comme expédiée car futile à l’histoire de fond.
En résumé, Broken Horses est un « triomphe artistique » comme le disait justement James Cameron, mais souffre d’une incohérence due avant tout à son inadaptation.