Brad Mehldau est un pianiste de jazz actif dans le milieu depuis les années 90, seul ou accompagné d’autres musiciens, voire d’un orchestre. C’est seul sur scène qu’il a joué neuf morceaux basés sur l’improvisation où parfois des bribes des morceaux connus réapparaissent.
Le concert a débuté avec un premier morceau où deux voix se cherchent et s’éloignent, se rencontrent et se repoussent. La basse supporte et casse en même temps la voix dominante. Un jeu d’accords et désaccords entremêle les notes et rend le spectateur dubitatif, il n’est plus sûr de ce qu’il entend. Cette mélodie qui s’ancre et prend racine jusqu’à être fredonnée parait par endroit si instable et déroutante. Le morceau se construit et nous entraine dans un ballet de marionnettes désarticulées.
Dans le deuxième morceau, plus lent, on retrouve cette ambivalence entre la mélodie qui s’envole mais qui est rattrapée par la réalité. Ce principe d’alliance et d’opposition qui avait guidé le premier morceau s’y retrouve également, ainsi que dans le troisième morceau joué. Quelque chose de plus majestueux semble s’y développer, avec une montée en puissance soutenue par une partition principalement en accord. Les montées et descentes successives d’octaves s’intensifient à l’approche de l’accord parfait. Ce titre est beaucoup plus jazzy, de part son rythme et sa tonalité, et se termine après de longs efforts de conquête et bataille dans les octaves par la douceur et la perfection sonore.
Le quatrième morceau sonne beaucoup plus classique après cet intermède jazzy. On y retrouve la même ligne de conduite tenue par l’artiste jusque-là dans ses interprétations et qui fait preuve de sa personnalité musicale. L’emballement crescendo final du rythme, du tempo et des nuances se termine également tout en douceur, comme une feuille délicatement tombée au sol.
On retrouve les sonorités jazzy dans le cinquième morceau, qui rend toutefois une ambiance mélancolique. L’essence originale de ce morceau sur lequel Mehldau improvise reste plus marquée et se mêle intelligemment à sa touche. La mélodie sautille de note en note, se fait plus rebondissante et invite le spectateur à tapoter du pied et balancer la tête. Un habile accordéon de notes qui se rapprochent et s’éloignent en montant ou descendant ensemble en accord accompagne cette montée en puissance de la mélodie du sixième morceau.
Il se termine par une certaine angoisse et des accords stressant avant que les aigus ne s’envolent telle une nuée de papillon. Le spectateur semble transporté par le style de l’artiste dans un grenier d’une vieille maison abandonnée où des objets poussiéreux prennent vie afin de retracer un passé éteint et avec lui une vie évaporée.
Brad Mehldau donne souvent un ton initial au début du morceau et y revient à la fin. Certains titres, tel que le huitième morceau joué, paraissent plutôt plus déstructurés et sans filet. Il livre une interprétation vraiment personnelle des morceaux qu’il improvise en se laissant guider par son oreille.