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    Bouffon, le conte moyenageux de Zidrou et Porcel

    Porcel:Zidrou

    scénario : Zidrou
    dessin : Francis Porcel
    éditions : Dargaud
    sortie : 28 août 2015
    genre : franco-belge, fantastique

    Pour sa deuxième collaboration avec le dessinateur Francis Porcel, Zidrou lui a concocté un scénario dont il a le secret, dans l’univers des contes cruels qu’il a déjà exploré récemment dans Les 3 fruits (en collaboration avec Oriol).

    Dans les geôles du Comte d’Astrat, une jeune femme à la merci du geôlier et des soudards donne la vie à un enfant défiguré, très vite surnommé Glaviot. D’abord factotum du geôlier, il est ensuite offert par le comte à sa fille, dont il devient le bouffon attitré. Éperdu d’un amour unilatéral et impossible pour sa maîtresse, le jeune Glaviot s’acquitte de sa tâche sans rechigner. Jusqu’au jour où la jeune femme meurt de la fièvre et que Glaviot la ressuscite miraculeusement par un baiser.

    Dès les premières pages de Bouffon, le narrateur – un des prisonniers croupissant dans les geôles –prévient le lecteur : il aura droit à une belle et triste histoire d’amour. Zidrou joue avec nos attentes et utilise les conventions du conte pour mieux en faire éclater la cruauté. Il affuble son héros au physique disgracieux d’un don miraculeux – celui de ressusciter les jeunes femmes par ses baisers – mais lui accole directement une malédiction, celle de se faire rejeter par celles-ci dès qu’il leur demande un autre baiser en retour.

    Le dessin à la fois réaliste, cru et crépusculaire de Porcel accentue cette dimension de cruauté, mais celle-ci sert également le versant poétique du récit, jusqu’à son dénouement évanescent et émouvant. Là encore, le scénariste et le dessinateur jouent avec les attentes du lecteur, puisque Zidrou fait énoncer à son narrateur cette fin plus apaisée sur le mode de la prédiction, comme s’il donnait à son auditoire une échappatoire à la noirceur du récit qu’il leur a fait. Porcel l’illustre de manière tout aussi ambigüe puisqu’il la nimbe d’une couleur crépusculaire, presque irréelle, qui lui confère une portée onirique.

    Au final, le récit de Bouffon donne l’impression qu’on le connaît depuis longtemps car il a une dimension de conte classique intemporel et universel. Zidrou n’a pas son pareil pour inventer ce type de fable qui semble couler de source. Et Porcel lui donne une illustration inédite, fidèle à l’imagerie du Moyen-Âge dans lequel elle se situe et d’une assez grande dureté esthétique, à l’image du visage dévasté de Glaviot.

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