Bon anniversaire les Enfoirés est le vingt-cinquième album de la troupe, enregistré au Zénith de Strasbourg en janvier, diffusé en télévision mi-mars et mis en vente le lendemain. L’occasion pour nous de revenir sur quelques faits qui ont marqué leur histoire. 1985.
L’Europe se porte bien mais des gens meurent de faim et de froid. La Belgique décide de réagir. Des étudiants de Solvay, appuyés par des politiques, des journalistes et des distributeurs ouvrent les premiers Restos du Cœur.
L’idée séduit un artiste français venu d’un quartier pauvre. C’est Coluche, qui interpelle les Français pour sponsoriser la première cantine gratuite de Paris. Très vite, les gens réagissent, l’idée prend forme.
Mais il ne veut pas en rester là. En 1986, il anime une émission pour promouvoir l’association. Quelques personnalités sont présentes : Baye, Platini, Montand, Deneuve, Drucker et Goldman, à qui l’humoriste demande de composer un « truc qui cartonne », la Chanson des Restos , qui devient leur hymne.
Coluche leur demande de partir en tournée au profit des Restos. Dans un premier temps, beaucoup refusent, il les traite «d’Enfoirés». Puis, petit à petit, une vraie solidarité se crée. Coluche décède mais ses proches continuent le combat.
Quatre ans après la création des Restos, alors que personne n’y croit vraiment, les premiers Enfoirés répondent à l’appel de sa femme : Goldman part en tournée dans sept villes de France avec Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Michel Sardou et Véronique Sanson. Les bénéfices de cette tournée permettent de renflouer les caisses de l’association. Pari gagné !
Depuis 1989, près de 200 personnalités ont joué le jeu par solidarité pour des concerts (devenus annuels en 1992) se déroulant à guichets fermés. Les téléspectateurs devant leur écran sont des millions à chaque diffusion. En dix ans, les ventes d’albums ont battu des records incroyables malgré la crise du disque. Et, depuis 2004, 126 millions de repas ont été distribués en France.
Aujourd’hui, les Enfoirés fêtent leur vingt-cinquième anniversaire. Un triste anniversaire puisqu’il signifie que l’initiative est toujours indispensable. A sa sortie, Bon anniversaire les Enfoirés s’est placé directement en tête des ventes. Rien d’étonnant au vu des excellentes audiences lors de sa diffusion : plus de 12 millions de téléspectateurs et 52,2% de part de marché.
Mais qui dit audimat, dit public large, donc adaptation. Alors que les premières tournées étaient intimistes (une guitare, un micro, un tabouret), l’ambiance d’aujourd’hui est tout autre. Le succès grandissant, le show s’apparente désormais à une comédie musicale qui en met plein les yeux aux spectateurs, de plus en plus grandiose, de plus en plus coûteuse : écrans géants, décors démesurés, costumes démultipliés et casting impressionnant de chanteurs, comédiens et sportifs.
Si les artistes se retrouvent toujours pour la même cause, ils ne sont plus cinq mais six fois plus. Une trentaine d’interprètes prennent désormais possession de la scène et chantent en chœur la quasi totalité des chansons. Plus il y a de gens sur scène, plus les gens regarderont l’émission et achèteront le disque.
Le bémol, c’est que cela nous laisse sur notre faim. A force d’entendre tout le monde, on n’entend plus vraiment personne. Les interprètes deviennent méconnaissables dans le brouhaha des voix. Ceux qui, auparavant, interprétaient 3 à 4 chansons sont à présent réduits à quelques phrases seulement. Car il est bien fini le temps des duos, des jolies balades. L’émotion laissant place, au fil des ans, à la folie.
Adieu Cabrel, Hallyday, Kaas, Lara, Maurane, Renaud, Sanson, Sardou, et autres Souchon qui étaient pourtant les pionniers. Place désormais à la nouvelle génération avec, entre autres, Grégoire, Claire Keim, Christophe Maé, Jean-Baptiste Maunier, M. Pokora, Shy’m, Tal ou Christophe Willem et puis le trois derniers venus cette année : Emmanuel Moire, Dany Boon et Michael Youn.
Côté répertoire, Les Enfoirés se plaisent aujourd’hui à reprendre les tubes de l’année : de Stromae (Papaoutai) à Robin Thicke (Blurred lines) en passant par les Daft Punk (Get Lucky), ce qui a pour effet navrant de les ringardiser aussitôt. Ils entonnent des chansons qu’on n’a pas encore eu le temps d’oublier sans amener de réelle originalité (Seras-tu là ? (Michel Berger), On ira (Zaz), Jacques a dit (Christophe Willem), Ce n’est rien (Julien Clerc) ou Attention au départ (Les Enfoirés), déjà chanté l’année dernière).
Autre nouveauté cette année sur l’album : l’humour, omniprésent, donnant lieu à des medleys qui n’ont pas vraiment de sens pour quelqu’un qui n’aurait pas suivi l’émission. Complètement foot!, en particulier, semble interminable.
Ne soyons cependant pas trop sévères. Bon anniversaire les Enfoirés offre quelques belles découvertes. Les nostalgiques de la chanson française ne passeront pas à côté d’ À quoi ça sert l’amour (Édith Piaf et Théo Sarapo), interprétée par Marc Lavoine, Mimie Mathy, Hélène Ségara, MC Solaar, et Zazie en choeur avec les enfants du Collège Truchtersheim. Si tu ne me laisses pas tomber (Gérard Lenorman) chanté par Tina Arena, Lorie, Bénabar et Patrick Bruel réserve aussi son lot d’émotions. Puis Noir et blanc (Bernard Lavilliers) mené par Jean-Louis Aubert, Patrick Bruel et Christophe Maé fait place à un émouvant hommage à Nelson Mandela disparu l’année dernière.
Amel Bent, Julien Clerc, Marc Lavoine et M. Pokora interprètent eux aussi un Il faut savoir (Charles Aznavour) qui demeurera dans les anales. Enfin, du côté des chansons chorales, Laissez-nous chanter (Gold) reste une jolie adaptation. N’oublions pas que chaque album et DVD permet aux Restos du cœur de distribuer 18 repas chauds en France. Une aide malheureusement nécessaire à des milliers de gens chaque jour.
Les bénéfices générés par les ventes en Belgique restent cependant sans effet pour notre pays. La Fédération des Restos du Cœur de Belgique qui regroupe 15 Restos (11 en Wallonie, 2 en Flandre et 2 à Bruxelles) aide donc financièrement et de manière conséquente les entités grâce à la générosité du public et de quelques entreprises partenaires.
Pour apporter un soutien, rendez-vous sur le site: restosducoeur.be.