Ecris et mis en scène par Emmanuel Texeraud, avec Estelle Franco, Sophie Jaskulski, Sophia Leboutte, Gaëtan Lejeune, Aline Mahaux et Elena Perez. Du 12 au 23 novembre 2019 au Théâtre Varia. Crédit photo : Serge Gutwirth
Qu’est-ce que l’intelligence ? Voilà une question actuelle et sans cesse explorée qui demeure, pourtant, sans réponse. Nous entendons aujourd’hui parler de quotient intellectuel, de déficience mentale ou encore de haut potentiel, nous utilisons les mots « idiotie » ou « géni » à tort et à travers, mais qu’est-ce que tous ces termes nous apprennent finalement sur la complexité de notre cerveau ? Cet intellect qui nous définit tant, que représente-t-il réellement ? Qu’est-ce qui fait de nous un idiot, ou bien un génie ? C’est cette question primordiale à l’ère de l’avancée technologique et de l’intelligence artificielle que souhaite aborder Emmanuel Texeraud. Mieux encore, à travers Boccaperta, il nous la pose à nous, nous invitant ainsi à explorer l’intelligence au moyen de notre propre intellect.
Sur scène, nous entrons d’abord dans la réalité de Saint-Joseph de Cupertino, dit « Boccaperta », bouche ouverte en italien. Joseph, c’est l’idiot du village. Pas n’importe quel idiot pourtant car Joseph, lui, est capable de léviter. Sa vie nous est contée d’une étrange manière. Devant nous, un déséquilibre semble présent sans que nous puissions le définir. Petit à petit, le décor qui évolue avec l’histoire semble se retrouver hors de son temps, nous plongeant dans une profonde incompréhension. L’heure n’est pourtant pas à l’abandon car, très rapidement, un retournement de situation apporte un éclairage nouveau sur ce qui se déroule devant nos yeux.
Après Joseph, c’est Chiara qui se présente à nous. Tout du moins la reconnaissons nous enfin pour ce qu’elle est : un I-Bird à la mémoire universelle, conçue à l’Apple Park de Cupertino-Californie. Toutefois, nous ne comprenons pas immédiatement ce qu’elle représente. Est-elle humaine ? Est-elle machine ? A-t-elle une vie propre ? Mais quoi qu’elle soit, elle ne peut le rester. Soumise au joug des lois technologiques, sa résistance s’effrite sans nous laisser la chance de découvrir les limites de ses possibilités.
Boccaperta, c’est un rêve. Le rêve d’une réalité possible ou la possibilité d’une réalité rêvée. Boccaperta, c’est aussi une histoire. L’histoire de la rencontre entre deux représentations de l’intellect. Là où Joseph, réellement « idiot », était l’avenir de notre passé, Chiara, artificiellement « intelligente », devient l’avenir de notre présent. Si proches et si éloignés à la fois, tant par l’époque que par la manière dont ils se définissent à nos regards. Si la rencontre entre ces deux personnages nous semble tout d’abord désagréablement incompréhensible, nous n’éprouvons aucun regret d’avoir laissé sa chance à cette pièce dont le thème nous entraîne dans un dédale de questionnements non seulement sur l’intelligence artificielle, mais également sur la place de l’intelligence dans notre société, de quelque sorte qu’elle soit.