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    « Bob Marley : One love », pourquoi vouloir sanctifier un génie ?

    Bob Marley : One love
    de Reinaldo Marcus Green
    Biopic, Drame
    Avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton
    Sortie en salles le 14 février 2024

    « Bob Marley : One love » est une production hollywoodienne plaisante, à l’instar de Bohemian Rapsody, qui donne un aperçu simplifié de qui était Bob Marley, ce qu’il a représenté pour sa communauté et sa musique pour le monde. L’omniprésence de ses tubes rend ce long-métrage agréable mais ce n’est pas suffisant pour rendre hommage à la réalité passionnante de cette icône.

    Le biopic s’articule autour des années d’apogée de la carrière de Bob Marley, du concert Smile Jamaïca en 1976, deux jours après sa tentative d’assassinat, au mythique concert One Love Peace en 1978 à Kingston, durant lequel Bob réunit les deux opposants politiques qui se disputaient alors le pouvoir en Jamaïque. Le film est également ponctué de retours en arrière sur son enfance et son adolescence qui permettent d’aborder des éléments déterminants, comme l’absence de son père puis l’exil de sa mère, la rencontre avec sa femme Rita et son entrée dans le mouvement Rastafari.

    Se lancer dans un biopic sur Bob Marley est un exercice périlleux tant le personnage incarne à la fois la réalité socio-économique d’un peuple issu de l’esclavage et des colonies, une religion (le rastafarisme) et un genre musical nouveau, le reggae. De surcroit, la personnalité de Robert Nesta Marley est véritablement complexe et son parcours long et tumultueux malgré sa mort prématurée à l’âge de 36 ans.

    Pour interpréter la Pop star, le réalisateur choisit l’acteur anglais Kingsley Ben-Adir, pour sa ressemblance, dira-t-on. Sans doute pilotée par la famille Marley, son interprétation donne à voir un artiste hypersensible sans cesse guidé par son instinct. Bob, ou Skipper, comme son entourage l’appelle, est respecté pour son génie et son humilité. Il est par ailleurs dépeint comme profondément bon au point parfois d’être trop naïf et de se faire voler de l’argent par son directeur, Don Taylor.

    Ici, le portrait est lissé et, si on se documente un tant soit peu sur Bob Marley, on se rend vite compte que cette version n’est ni fidèle, ni suffisante. En effet, le roi du reggae est avant tout un leader naturel et charismatique, subversif et séducteur qui cultive aussi sa part d’ombre.

    En revanche, la performance de Lashana Lynch en Rita Marley est particulièrement rafraichissante et elle sonne juste. Une fois n’est pas coutume, la femme du chanteur n’est pas représentée exclusivement en tant que soutien et pilier dans la carrière de son mari. Rita est avant tout une musicienne jamaïcaine membre d’un trio qui va intégrer les Wailers (le groupe qui accompagne Bob) tout en conservant une indépendance.

    De leur couple, on nous montre une union résistante à toute épreuve. Au-delà d’un amour charnel, Bob et Rita semblent unis pour la cause et engagés dans une mission pour la paix qui dépasse leur personne et leur mariage. Encore une fois, ce portrait est bien trop lisse. On ne montre à aucun moment le charme ravageur dont Bob faisait preuve, ni ses nombreuses conquêtes. Ainsi, sa relation avec Cindy Breakspeare, à qui il donnera un fils et dédiera la face 2 de son célèbre album Exodus (1977), est soigneusement gommée.

    Ce qui séduit dans ce biopic, c’est évidemment d’entendre et de voir sur scène, et en studio, les chansons légendaires de Bob Marley. On passe de « Get up, Stand up » à « One love » en passant par « No woman, No cry » et bien d’autres encore. On se laisser porter par les hymnes du chanteur et on en savoure chaque note. On retiendra notamment la scène mettant en lumière le génie créatif de Bob lorsqu’il compose le single « Exodus » (titre éponyme de l’album) avec ses musiciens.

    Bob nous est présenté comme un prophète et sa musique comme un moyen de diffuser son message de paix. Et en un sens, c’est vrai, mais c’est aussi diablement réducteur. Bob Marley est un homme issu des ghettos de Kingston qui incite à la révolte du peuple noir, assujetti depuis son exode forcé. Il pointe le dysfonctionnement d’un système où tout est joué de naissance et possède inévitablement de la violence en lui. Bob Marley n’est pas un saint, comme on voudrait nous le faire croire, il porte des contradictions et c’est ce qui fait de lui un être et un génie passionnant.

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