Black Widow
de Cate Shortland
Action, Science-Fiction
Avec Scarlett Johansson, Florence Pugh, Rachel Weisz
Sorti le 7 juillet 2021
Qu’il semble loin déjà le temps où se concluait en apothéose la phase 3 du Marvel Cinematic Universe. Accomplissement d’une dizaine d’années de construction narrative faite de hauts et de bas, déception pour les uns, consécration pour les autres, Endgame mettait un terme à un arc scénaristique lancé près de 10 ans plus tôt par Marvel Studios.
Après eux, le déluge ? En tout cas, la douche froide pour le cinéma de l’entertainment. Pandémie mondiale oblige, les décalages de sorties se succèdent. Poussé par la force des choses, mais également moteur de cette évolution, la firme aux grandes oreilles délaisse la salle pour se tourner vers la toile, plus rentable et moins contraignante pour ses nouveaux contenus. L’une de ses têtes coupées, l’Hydre disneyienne repart en effet de plus belle en format télévisuel, usant ses personnages jusqu’à l’os dans des productions relevant plus du flux que de la création artistique. S’enchaînent ainsi les séries peinant à délivrer une vraie expérience de grand spectacle, celle dont on manquait cruellement durant cette période sombre.
Dans ce schéma, Black Widow apparaît enfin comme la lumière au bout du tunnel. D’une part, car ce récit fait revenir à l’écran l’un des personnages les plus intéressant et complexe de cet univers, et d’autre part parce que retrouver l’expérience cinématographique qu’est le blockbuster américain dans son élément naturel ne peut que ravir les amateurs du genre et marvel-ophiles de tous poils.
S’axant d’emblée sur le passé du personnage de Natasha Romanoff, le long métrage s’ouvre sur un prologue haut en couleurs, teinté par l’ambiance de guerre froide vécue par une famille russe infiltrée au cœur de l’Ohio. Une séquence montagnes russes à la sauce Hollywood assez réussie, suivie d’un générique bien ficelé pour nous emmener au cœur de l’entre-deux films, cette zone grise où s’intègre régulièrement les nouvelles productions Marvel depuis la fin de l’arc principal.
Ritournelle surannée peut-être, ou terreur et impossibilité de passer outre cet héritage trop grand pour eux ? En tous les cas, ce choix scénaristique permet dans Black Widow de poser une parenthèse sans avoir les enjeux des opus précédents, et laisser libre cours à l’écriture des scénaristes d’horizons variés. Se côtoient ainsi Jac Schaeffer (Wandavision), Ned Benson (The Disappearance of Eleanor Rigby) et Eric Pearson (Godzilla vs Kong), pour un récit alliant des rebondissements déchaînés avec la verve et la répartie de personnages fortement attachants. Un film emmené par le couple Scarlett Johansson – Florence Pugh qui s’échangent répliques et prises de catchs avec autant de frénésie que d’amusement apparent, dans une approche rafraîchissante du buddy-movie d’action d’habitude bien trop boosté à la testotérone.
Nourrie par ce cocktail aux ingrédients détonants, la réalisatrice australienne Cate Shortland délivre un long métrage grandiose dans ses séquences d’action et jouissif dans ses joutes verbales, nous faisant voyager sans cesse entre les décors gigantesques de la Sibérie et les espaces contigus des ruelles de Budapest, la fameuse. Au-delà d’un simple rôle de faiseuse, la cinéaste intègre sa patte dans les plans serrés face caméra de ses protagonistes, plongeant dans les regards et ajoutant une complexité à ses deux actrices principales et à leur relation. Emportés par ces péripéties frénétiques et par cette équipe Johansson – Pugh, on restera peut-être plus de marbre face aux séquences d’émotion familiale, face à la prestation plus anecdotique de Rachel Weisz ou face à un David Harbour en roue libre et à l’accent russe douteux, sans que cela vienne cependant nous faire bouder notre plaisir.
À l’arrivée, Black Widow coche parfaitement ses cases de blockbuster de l’été. Avec ses failles et ses moments de faiblesse, certes, mais déployant dans ses moments de grâce une énergie et une créativité qui font plaisir à voir, dans un film porté par un duo explosif et vivifiant.