Black
d’Adil El Arbi et Billal Fallah
Action, Romance, Drame
Avec Martha Canga Antonio, Aboubakr Bensaïhi
Sorti le 11 novembre 2015
Dans les rues de Bruxelles, entre le macadam et les pavés, masqués par des statistiques mensongères, se cachent des enjeux insoupçonnés. Des gangs rivaux se livrent à des guerres interdites où les histoires d’argent finissent en histoires de sang, où l’on brise un os pour un regard, où les comptes se règlent d’homme à homme, dans un cul-de-sac, et finissent à l’hôpital ou en prison.
Marwan et Mavela font partie de ce monde. Lui est bien connu des services de police, une petite frappe chez les 1080 (une bande de Marocains), avec qui il chaparde des sacs à main.
Elle est le dernier membre des Black Bronx, un gang plus organisé, plus violent, qui fait son profit par le racket et le trafic de drogue.
Ils se rencontrent au poste, à la suite d’un coup de filet et c’est le coup de foudre. Ils s’embarquent dans une aventure bien à eux, et au travers de leur amour découvrent que la vie de manant n’est pas pour eux. Mais s’extirper d’un gang est affaire délicate, d’autant qu’aucun de leurs comparses n’approuvent de leur relation…
Basé sur deux livres (Black et Back) de Dirk Bracke, un auteur néerlandophone (malheureusement pas traduit en Français) et adaptés par Nele Meirhaeghe et Hans Herbots, le scénario est amené au grand écran par Adil El Arbi et Billal Fallah, une paire de réalisateurs Flamands et collaborateurs de longue date.
Bien rythmé et viscéral par moments, Black réussit à naviguer dans les écueils où d’autres réalisateurs plus expérimentés se sont fait mal. Le film ne tombe pas dans le mélodrame larmoyant, prenant pitié pour des personnages qui n’ont pas eu de chance savez-vous, c’est-quand-même-terrible-ma-bonne-dame, préférant les laisser vivre les conséquences de leurs erreurs et (pour certains) d’en tirer les leçons appropriées.
Malgré qu’il soit pétri de qualités, le film n’est pas parfait.
L’histoire d’amour au cœur de la trame est traitée comme une évidence et souffre d’un manque de ressenti. On voit nos tourtereaux main dans la main, mais on ne les voit pas vraiment tomber amoureux. C’est dans ce genre de moments que le street-casting, qui ajoute une dose de réalisme à l’aspect “crevard des rues”, trahit ses limites. Si les personnages parlent et bougent comme de vrais Brusseleirs (ils le sont), ils jouent leurs cours de façon réaliste, avec rires forcés, petits jeux de pouvoirs et fausse complicité.
Au cinéma, amour et violence sont surjoués et on laisse le réalisme complexe sur la table de montage. L’histoire d’amour passionnelle qui devrait former l’âme du film manque ici de passion, en devient une amitié+sexe et c’est bien dommage. L’idylle aurait gagné à prendre une place plus centrale dans le film, plutôt que les histoires internes de gang, qui sont excitantes mais moins primordiales.
Du côté des réussites stupéfiantes est la juxtaposition d’un réalisme blafard, d’une violence brutale et de l’onirisme optimiste des personnages. Ils vivent dans des conditions sordides et affrontent leurs circonstances un sourire aux lèvres, bravant leurs destins avec panache. Faire prendre une telle sauce est des plus délicats et les réalisateurs s’en tirent fort bien.
Black vaut très clairement le coup d’oeil pour son sujet, son univers, ses idées et son cinéma. Il est ambitieux mais rate la marque par moments. Adil et Billal ont prouvé qu’ils sont capables mais je garde mes étoiles pour leur prochain film.