Black Coal
de Yi’nan Diao
Policier, Drame
Avec Fan Liao, Lun-mei Gwei, Xue-bing Wang, Jing-chun Wang, Ailei Yu
Sorti le 29 octobre 2014
En 1999, l’inspecteur Zhang est chargé d’enquêter sur de mystérieux lambeaux de cadavres que l’on retrouve disséminés dans du charbon, aux quatre coins de la Mandchourie. Mais l’enquête, qui se termine dans un bain de sang, tourne court, et quand on retrouve Zhang quelques années plus tard, il a quitté la police pour une société de sécurité et noie sa morosité dans l’alcool. Ainsi, quand de nouveaux meurtres mettent ses anciens collègues sur les traces de la mystérieuse jeune femme qui avait déjà croisé sa route lors de l’affaire de 1999, Zhang décide de mener sa propre enquête en solitaire. Le puzzle commencé quelques années plus tôt ne fait que débuter…
Qualifier Black Coal de sombre et froid relève de l’euphémisme. En effet, derrière un scénario à tiroirs et un inspecteur Zhang qui assemble peu à peu les pièces de l’histoire, Diao Yinan dresse un portait lugubre de la Chine d’aujourd’hui : c’est du côté de la neige sale, de la boue déprimante et des cités industrielles sordides qu’il situe son intrigue. Lumières blafardes, intérieurs miteux, kitsch déprimant, et, de toute évidence, aucune tendresse pour réchauffer les hommes dans tout ça : les flics sont brutaux et corrompus et les crimes ultra-violents, la jeune Wu Zhizhen au visage si lisse est absolument impénétrable, et Zhang, dont on ne comprend pas clairement les motivations, a tout de l’ours chinois farouche.
En somme, si vous voulez passer un moment de confort, passez votre chemin. De fait, Black Coal ne se regarde pas agréablement : on a les pieds gelés, on se sent seul et isolé, on a peur dans la nuit glacée. Et, comme le rythme de l’enquête est très lent et que les silences et les non-dits prennent généralement le pas sur les révélations fracassantes, ces sensations d’engourdissement se prolongent.
Parvenir à nous faire ressentir précisément le malaise des situations qu’il met en scène est la grande force du cinéaste. La photo est saisissante, inventive, et les images sont d’une beauté âpre, sauvage et parfois flamboyante. Dans une société terriblement oppressante et individualiste, où le ciel semble sans cesse se refermer sur des personnages sans espoir, la caméra, qui traque la beauté au cœur du glauque, s’apparente à la seule respiration possible, au seul mouvement pour saisir encore quelques étincelles de lumière et de vitalité.
Pourtant, malgré un sens esthétique indéniable et quelques scènes frappantes, et en dépit d’une atmosphère très cohérente, Black Coal est un film plutôt opaque qui laisse perplexe, peut-être en raison de sa grande froideur : on ne parvient jamais tout à fait à se laisser prendre à l’intrigue policière ni au parcours des personnages, qui nous restent très étrangers. Il n’en reste pas moins vrai que cette peinture noire d’une Chine méconnue – que la non maîtrise des codes et des références culturelles nous empêche peut-être d’apprécier à sa juste valeur – mérite le voyage, à condition d’en accepter les zones d’ombre. Aborder des terres étrangères et inhospitalières est peut-être à ce prix.