Ellipsis, la réalité telle que nous la manipulons
Est-ce la démonstration du meurtre parfait ? Ou simplement l’explication du processus détaillé de l’écriture d’un thriller? Les retournements de situation sont tellement nombreux dans Ellipsis –Puntos Suspensivos en version originale – que parfois l’on s’y perd. Même si c’est le premier film de genre de David Marques, on sent qu’il a puisé son inspiration parmi les plus grands, s’appuyant uniquement sur de solides dialogues pour construire un thriller psychologique convaincant.
Afin d’éclaircir le mystère sans en dévoiler trop, énumérons d’abord les éléments que l’on peut considérer comme établi avant de continuer cette chronique.
Cameron Graves, auteur de romans policier à succès vit une existence tranquille dans un coin reculé d’Espagne, et ce, grâce à l’anonymat que lui procure son pseudonyme et à l’habileté de son agent littéraire. Car, Léo de son vrai nom, ne donne aucune interview, n’a jamais été pris en photo, même son genre est inconnu. Une tranquillité qui se trouve ébranlée le jour où un homme se présente à sa porte, homme qui semble connaître beaucoup de choses sur lui.
De ce matériel brut, le réalisateur construit son histoire, jouant avec nos nerfs durant nonante minutes pour bâtir et déconstruire son intrigue, posant les différents chapitres de son récit comme des blocs de Lego interchangeables. La réalité se construit-elle au gré de l’imagination de l’auteur ? Cameron Graves existe-t-il vraiment ou les protagonistes de cette histoire ne sont-ils que des pions, marionnettes d’un Deus Ex Machina qui les manipule depuis des années ? David Marques ne manipule-t-il pas son public ?
Même si, une fois certaines pièces du puzzle dévoilées à mi-parcours, on devine la direction générale que veut prendre l’auteur et dès lors, s’étonne moins des différents rebondissements qui surviennent jusqu’à la fin du film, on aurait tort de bouder son plaisir. Car contrairement à d’autres films de la catégorie Black Raven qui jouent la surenchère pour garder l’attention du public, Ellipsis ne peut compter que sur ses dialogues, huis-clos oblige, pour garder ses spectateurs à bord jusqu’au dénouement final.
On salue donc le travail d’orfèvre de toute l’équipe de Puntos Suspensivos qui parvient à garder un certain suspense jusqu’à la dernière scène. Thriller psychologique et comédie noire, Ellipsis est un bel hommage aux classiques du genre tout autant qu’une porte ouverte vers un cinéma plus cérébral, prouvant la vivacité et la diversité du film de genre. V.P
Canceled
Une équipe de chasseurs de fantôme se rend dans une vieille demeure qui n’a plus été habitée depuis longtemps, close et empoussiérée comme il faut. Leur but est clair, redorer le blason numérique de leur chaîne afin de récupérer un public avide de sensations.
Nourrir la peur. Nourrir la peur ?
Canceled est une critique très fine du commerce de la peur. Comment une peur intime, celle qu’on porte tous en nous et que nous choisissons de nourrir ou non, peut-être récupérée à des fins mercantiles. Canceled détricote nos réactions épidermiques, nous met face à nos propres schémas de terreur et à la façon dont nous décidons de leur apporter du crédit et de ce fait de leur accorder le pouvoir de nous paralyser. S’en suit une critique acerbe de ce dit « commerce de la peur », la manière dont certains en profitent pour capitaliser sur une émotion très primale…
Ahahaha….si vous parvenez à ne pas vous endormir entre deux jumpscares branquignolesques, si vous résistez à l’envie de fermer toutes les portes ouvertes (dans tous les sens du terme) de ce film et de sortir de la salle vous siffler une petite bière, si vous êtes de ceux qui vous défendrez toujours jusqu’à votre dernier ahhouuuuu à la lune que chaque film a un sous-texte, alors,…Bah, bien ouèj, vous faites partie parmi des 1 % qui ont survécu.
Canceled, ce n’est pas bon. Son titre lui-même nous le dit, nous le prédit et on y va quand même.
Je suis déçue et c’est le pire. L’année passée, le public de The Outwaters avait aussi été soulevé par une vague d’indignation. Cette année Canceled ne m’a même pas soulevée, pas un cil, pas un cri, pas une petite frayeur à emporter chez moi avant de dormir. Rien. Je ressors affamée de peur.
Point chant néant/10, en sus, où était Stéphane ? E.K
Concrete Utopia
Un tremblement de terre ravage Séoul, tout est en ruine sauf un bâtiment, la tour Hwang Gung. Les résidents, passés le choc, s’organisent pour survivre et vous le sentez venir, ça ne va pas être une organisation horizontale socialiste.
« La résidence Hwang Gung vous accueille dans son environnement post-apo. Vous y trouverez un Délégué au tempérament tout à fait charmant qui répondra présent pour effectuer de menus services pour rendre votre séjour plus agréable. Entre autres, meurtre, violence, pétage de plomb, patriotisme, sens exacerbé du devoir et de la famille. À la résidence Hwang Gung, nous veillons à l’hygiène et à la propreté de tous et toutes. Ici, on ne laisse pas traîner les cafards, nous ne voulons pas d’étrangers et grâce à notre milice, les nuisibles seront éliminés. Pour maintenir les cafards éloignés et éviter qu’ils ne contaminent nos résidents, nous appliquons une politique de délation et de gouvernance par la peur, méthode prophylactique confirmée qui préviendra tout écart qui nuirait à la paix de notre résidence choyée.
Soyez les bienvenus tant que vous respectez nos règles. Longue vie à la résidence Hwang Gung »
On est clairement sur une belle réussite coréenne. D’ailleurs, en bon baromètre d’ambiance, le public a fini par se taire et laisser l’action. On ne saura jamais s’il dormait ou s’il savourait, mais les blagues ont cessés de fuser, c’est tout ce que je sais.
Est-ce la puissance du jeu du fameux Délégué ? Sont-ce ces moments touchants et remplis d’humanité ? Sont-ce ces plans catastrophes de ville en ruines ? Chacun y a sûrement trouvé de quoi se remplir sa panse de cinéphile.
C’était grandiose et intime, c’était drôle et violent, c’était bourrin et réflexif, ça allait dans presque tous les sens sans se perdre et nous perdre. Contrairement à Canceled, je suis sortie repue de la séance.
Point chant, encore un néant/10 mais Stéphane était là. E.K
Elodie Kempenaer et Vincent Penninckx