Hunt : la maturité du matin calme
Présenté hors sélection au festival de Cannes 2022, Hunt du réalisateur et acteur coréen Jung-Jae Lee que l’on a pu notamment voir dans Squid Game et Chief of Staff est venu titiller les neurones des spectateurs du BIFFF en ce dernier jour de festival. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre les scènes d’action dignes des meilleurs standards du genre et les interrogations sur la loyauté des différents protagonistes, il y avait fort à faire pour ne pas rater une miette de cet excellent film d’espionnage.
1980, Corée du Sud. Après l’assassinat du président Park par la CIA coréenne, l’armée prend à nouveau le pouvoir. La Corée du Nord y voit l’opportunité d’une future invasion, et y envoie un de ses espions. Park Pyeong-Ho et Kim Jung-Do, deux hauts responsables de la sécurité sud-coréenne, sont missionnés pour traquer l’infiltré. S’engage alors une terrible course contre la montre.
Jouant sur l’antagonisme entre les deux hauts responsables, et ce, dans le contexte très particulier des dernières années de gouvernement autoritaire en Corée du sud, où les méthodes les plus brutales étaient utilisées Hunt parvient à maintenir un état de tension permanent d’une part en distillant à faible dose des informations ambiguës sur le passé des protagonistes et d’autre part, en n’hésitant pas à recourir à un festival pyrotechnique quant il s’agit de mettre en scène les confrontations entre ennemis supposés. Notons également un casting extrêmement relevé où l’on retrouve de nombreuses stars du cinéma et de la TV, contribuant également à la réussite de ce film.
Mêlant habilement les genres, entre espionnage et action, Hunt a su nous tenir en haleine pour ce dernier jour de festival et confirme encore une fois la maturité du cinéma coréen qui n’a plus rien à envier au niveau de la réalisation et de l’intrigue aux productions venant d’autres pays. V.P.
Nightsiren : surprise caroloslovaque
Il y a beaucoup de choses qui ont l’air peu attrayantes à première pour se révéler au final de belles surprises. Chier en pleine nature, la bière au piment Aji Amarillo de la Brasserie de la Source, un doigt dans l’anus pendant une fellation ou un film slovaque un dernier jour de BIFFF pour ne citer qu’eux. Parce qu’on va pas se mentir, on avait juste pris le film à la base pour prolonger un peu le plaisir du BIFFF. Voyez ça comme un déni de réalité devant la clôture inexorable de notre plus grande source de bonheur. Rien que ça. Et au final, bien nous en a pris puisque ce Nightsiren valait la peine d’être vu. Tout d’abord pour ses décors de nature slovaque magnifiques. Nature vivante et morte. Mais aussi et surtout pour son intrigue. Le film de Tereza Nvotová suit le destin de Sarlota qui s’est barrée de sa maison familiale dans les montagnes slovaques dès son plus jeune âge. Juste après avoir balancé sa petite sœur dans un ravin. Merci le sens des responsabilités. Devenue adulte, elle se paie un petit city trip vers ses racines pour hériter de la maison familiale après la mort de sa mère. Et le retour au pays des bouseux superstitieux va faire mal. Au moins, grâce à Nightsiren, je comprends mieux ce que les gens nés à Charleroi éprouvent quand ils y retournent après avoir découvert Bruxelles.
À travers son œuvre, Tereza Nvotová dénonce les sociétés patriarcales archaïques qui usent et abusent des croyances bigotes pour justifier une barbarie collective. Le tout avec un réalisme glaçant et un jeu des deux actrices principales qui frôle la perfection. D’une pertinence et d’une clairvoyance remarquable, le film arrive dès le début à nous emmener dans son sillage pour nous étonner autant qu’il nous consterne par la situation absurde mais malheureusement actuelle qu’il dénonce.
Nightsiren m’aura donné envie de visiter la Slovaquie, de me promener à poil dans les bois, de faire des massacres de masse dans les villages où les demeurés consanguins sont rois, de devenir une sorcière, de bruler des maisons et surtout, de revenir au BIFFF. Parce que découvrir une perle slovaque insoupçonnée un dernier jour de festival, c’est aussi ça le BIFFF. O.E.
King on screen : Le Retour du Roi
Après avoir empli notre jauge d’hémoglobine, de frisson, de rires idiots et de cris durant tout le festival, la production du BIFFF, grâce à King on screen, nous offre l’opportunité de se pencher sur le parcours d’un très grand nom du cinéma de genre, à savoir Stephen King. Une façon de comprendre comment celui-ci a influencé le cinéma de genre et a, grâce à ses récits et à l’adaptation au cinéma de ceux-ci, suscité de nombreuses vocations parmi toute une génération de cinéastes ayant frissonné en regardant Carrie, The Shining ou bien d’autres encore.
A travers une série d’interviews mais également d’extraits de films emblématiques comme Misery, Dolores Claibornes, IT ou Shawshank Redemption, on réalise à quel point il a totalement modifié la manière dont on envisageait l’horreur, comment il a su changer le regard et les attentes des spectateurs en se focalisant sur le ressenti et la psychologie des personnages et comment il a su dépeindre l’Amérique profonde et ses habitants.
Plus qu’un hommage à un auteur ayant vendu des millions de livres et ayant le plus personnifié le mot horreur, King on screen est une invitation à relire ses livres et revoir les chefs-d’œuvre tirés de ceux-ci. Une manière de s’intéresser au genre favori des spectateurs du BIFFF et de revenir avec une curiosité encore plus grande pour la quarante-deuxième édition en 2024. V.P.
Sorcery, c’est fini et dire que c’était le BIFFF de mes premières troef
C’était le dernier, tout tout dernier film de ce festival et l’avis est mitigé.
Chili, 19ème siècle, plus précisément l’île de Chiloé, une jeune amérindienne voit son père se faire déchiqueter par les deux chiens d’un Allemand qui a de sacrés problèmes d’ego et des vieux relents de colons.À partir de là, il y a deux voies possibles ; la voix de la justice, la voix de la vengeance (qui est aussi la voie de la justice en beaucoup plus fun et frontale).
Devinez quoi ? On prend la voie de la vengeance. Et ici, cette dernière se prépare lentement, très lentement. À coups de superbes images dans les tons brun et gris, baignés de la lumière d’un feu, Rosa s’initie à la magie auprès de Matéo, chef de la Recta Provincia, organisation indigène qui pratique donc la sorcellerie.
Pour cette dernière chronique, je sors mon joker « Je ne sais pas quoi dire et je vais donc broder au max pour avoir mon minimum de lignes. Je vais même en profiter pour remercier Stéphane et son talent qui a su introduire chaque film avec délicatesse, humour et charisme. Vous saviez, vous, que c’était tiré d’événements réels Sorcery ? Vous connaissiez Christopher Murray ? »
Ce film ne fait clairement pas partie du complot pédo-sataniste du BIFFF, mais, bien du complot colon-sorcelliste qui va, nous pensons, prendre de plus en plus d’ampleur. L’année prochaine, ma main à brûler qu’il y aura une explosion de film avec des colonisateurs qui se font flinguer la face par des hordes de sorciers et sorcières. Colon-sorcelliste is the new BIFFF.
Sur ce, à la revoyure émue. E.K.
Elodie Kempenaer, Vincent Penninckx et Olivier Eggermont