Alien on stage : un 8e passager au 6e art
Bon, je vais être 100% honnête avec vous. Je n’ai jamais mis les pieds dans le Ciné 3 au BIFFF pour regarder un documentaire. Eh ben ouais, moi je suis là pour voir de la tripaille. J’aime la violence et voir le sang qui coule. Entendre mes ennemis dire pardon, sans leur pardonner. Baiser leur meuf en transmettant la chtouille (Dems). C’est (surtout) pour ça que je vais au BIFFF et pas pour me culturer ! Il n’empêche que Alien on Stage avait piqué ma curiosité et je me suis dit que j’allais lui donner une chance. Bien m’en a pris car ce documentaire qui retrace le parcours d’une troupe amateur qui adapte le film Alien au théâtre (comme le laissait présager le titre) est une réussite totale. Et pourtant ce n’était pas gagné. Avouez qu’il faut être tordu pour voir le long-métrage de Ridley Scott et se dire « Eh ben ça donnerait super bien sur scène avec des décors en carton et un alien en latex ! ». Mais après Alien vs Predator, tout est permis avec la saga.
Alien on Stage est au final un petit bijou d’inventivité qui navigue entre un enthousiasme communicatif et un hommage touchant. Les interprètes de la pièce de théâtre sont absolument parfaits d’authenticité et réussissent à nous emmener dans leur univers au point de nous donner une furieuse envie de prendre nos tickets pour Leicester Square l’an prochain. Ça nous ferait presque regretter le Brexit tout ça !
Carro Rei mort aux pistes cyclables !
Avec Carro Rei (King Car en anglais), on entre dans tout ce qui fait un film de SF exotique au BIFFF. Tout d’abord, prenez un scénario complètement barré : un jeune homme né dans une voiture et qui depuis est capable de leur parler et de les entendre. Ajoutez des acteurs qui surjouent totalement avec une mention spéciale à Matheus Nachtergaele qui tente apparemment de nous faire un remake de La Planète des Singes durant tout le film avec des voitures à la place des primates. Enfin, mettez une bonne morale bien cliché en conclusion et c’est prêt, il ne reste plus qu’à déguster. Même si avec Carro Rei, ce sont plutôt nos neurones qui dégustent. Les trois quart du film constituent une ode à la voiture susceptible de donner une crise cardiaque à un écologiste bruxellois. Le tout avec des incohérences plus présente qu’une cirrhose après deux semaines de BIFFF. Le personnage principal (Uno) se bat quand-même contre une loi (Dos) qui interdit aux voitures de plus de 15 ans (Tres) de circuler alors qu’il étudie dans une université qui fabrique des Greta Thunberg (Un pasito pa’lante María !). On n’avait plus vu un aussi grand écart cinématographique depuis la carrière de Daniel Radcliffe.
Avec des inspirations bien visibles tirées chez K2000, Terminator et Crash de Cronenberg (voire même un peu de Fight Club), le réalisateur Renata Pinheiro tente de nous livrer une fable SF loufoque mais n’y arrive que très peu. Mention tout de même à la première scène de sexe entre une voiture et une femme au BIFFF. Même si j’ai l’impression qu’il faudra réexpliquer quelques notions d’anatomie au réalisateur.
The Weasel’s Tale : les vieilles canailles sociopathes
Prévu à la base pour l’édition 2020, on a très vite compris pourquoi l’équipe du BIFFF a décidé de nous offrir le plaisir de voir ce Weasel’s Tale un an plus tard. Cette petite pépite argentine d’humour noir et de cynisme nous emmène directement dans son univers à part. Le film suit l’histoire de la Catherine Deneuve locale : véritable star dans son temps mais devenue totalement has been et qui vit bouffie d’orgueil sur sa gloire passée. Jusqu’à ce que deux petits jeunes viennent la flatter et la pousser à sortir de sa retraite en vendant sa maison pour revenir dans la capitale. Ce qui n’est pas vraiment du goût de son mari et de ses deux meilleurs amis qui vivent la dulce vida entre potes. Si Weasel’s Tale a naturellement tendance à s’essouffler un tant soit peu après une heure, ce n’est que pour très vite repartir de plus belle et nous fournir assurément une des belles réussites de ce BIFFF.
Alors bien sûr le film ne révolutionnera pas le genre et ne transcendera probablement personne mais il a le mérite de nous rendre un travail soigné, drôle, rythmé et bien écrit. On en redemande !
Possessor : corps à corps gagnant
Quand vous vous appelez Cronenberg et que vous vous lancez dans la réalisation d’un film de science-fiction, vous vous doutez que vous allez avoir plus de pression qu’un puceau qui ferait sa première fois pour un film porno. Dire que ce Possessor de Brandon Cronenberg était attendu comme le vaccin Pfizer dans un home est donc un euphémisme. Et contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, ce n’est pas un film d’exorcisme que celui qui avait déjà réalisé Antiviral vient nous livrer. Possessor, c’est un pur film de SF qui traite de personnes qui arrivent à se transférer dans le corps d’un autre pour commettre un meurtre, voler quelque chose ou aller recouvrir la maison de Frank Vandenbroucke de papier toilette, au choix. C’est le métier de Tasya Vos mais tout va partir en sucette pour elle quand elle se retrouve coincé dans un corps en conflit avec son occupant habituel.
Très réussi visuellement et porté par un excellent casting, dont un Sean Bean qui (spoiler alert) ne meurt pas pour une fois, ce Possessor est sans conteste un pari réussi pour le réalisateur canadien. Il nous livre un film noir et sans concession mais qui manque parfois un peu d’âme. On reste donc quelque peu sur notre faim malgré un talent indéniable et une réalisation très soignée et on se dit au final que le film aurait peut-être mérité de durer une heure de plus pour avoir le temps d’approfondir certaines relations et rentrer vraiment dans le sujet.
Detention : une chronique sponsorisée par Jinping l’Ourson
Chaque génération a ses causes et ses combats. Pour certains, c’était avoir le droit de ne pas se faire torturer et tuer parce qu’on lit un auteur interdit par le régime. Pour d’autres, c’est avoir le droit de faire la fête au Bois de la Cambre. Chacun son truc. Dans Detention, le plus important c’est de ne pas se faire prendre par la version chinoise de Pyramid Head dans Silent Hill. Après que leur petit Cercle des Poètes Disparus se soit fait gauler par la gestapo locale, Fang et Wei se retrouvent dans une version plutôt dark de leur école. Et si tout cela vous rappelle bien Silent Hill, quoi de plus normal puisque Detention est également l’adaptation d’un jeux-vidéo taiwanais. Si l’imagerie du film de John Hsu rappellera inévitablement celle du jeux-vidéo d’horreur, il tire aussi ses inspirations du Labyrinthe de Pan pour sa dimension politique et le fantasmagorique en refuge face à une réalité dictatoriale glaçante.
Même s’il manque un peu d’originalité et que la fin se devine aussi aisément que le déroulé d’un épisode de Walking Dead, Detention a le mérite de nous livrer une œuvre captivante et entraînante. Un modèle du genre. Si on ajoute à cela que le film a été censuré entièrement en Chine, cela rajoute encore quelques points. Parce qu’après l’année que nous venons de vivre, tout ce qui peut faire chier le régime chinois est bon à prendre.