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    [BIFFF 2020 (ou presque)] Les bonbons de Terry Gilliam, Muschietti enroulé de PQ : entretien avec Jonathan Lenaerts

    Si l’annulation du BIFFF est un crève-cœur pour son public, il l’est encore plus pour son organisation formidable. Voilà pourquoi nous donnons la parole aux personnes emblématiques présentes dans les coulisses du festival afin qu’ils nous donnent leur ressenti et nous parlent de leurs anecdotes bifffiennes. Place en premier lieu à Jonathan Lenaerts, attaché de presse du festival, qui nous parle de l’édition qui aurait dû avoir lieu, des larmes du scénariste de Ghost Graduation, de l’ingérable Friedkin et d’une conversation en finnois entre Renny Harlin et sa maman.


    Tout d’abord, comment vas-tu en cette période de confinement ?

    Je tiens le coup, il y a pire comme situation. Avec l’organisation du festival, nous avons reçu beaucoup de messages de soutien et cela nous fait du bien.

    Comment s’est prise la décision d’annuler le BIFFF ?

    Nous pressentions déjà l’annulation du BIFFF à la fin du mois de février. Certains de nos films asiatiques tombaient de l’affiche et nos contacts en Corée du Sud nous rapportaient un stand-by complet de l’industrie du cinéma là-bas. Même chose pour Honk Kong. Nous sentions que le vent allait tourner. Par la suite, nous avons surtout essayé de prendre des mesures le plus rapidement possible pour éviter un désastre économique. D’autant que nous avons aussi une responsabilité morale importante. Même sans confinement, il aurait été impensable pour nous d’amener 60.000 personnes dans des lieux clos. Au-delà des efforts de toute l’équipe et de la programmation que nous voulions partager, certaines choses dépassent le cinéma.

    La priorité était la pérennité du festival pour les prochaines années donc ?

    Tout à fait. Il nous fallait le soutien des institutions gouvernementales et nous sommes très vite entrés en contact avec eux pour annuler le festival d’un commun accord. Tout s’est fait en l’espace d’un weekend avec une très grosse réactivité et nous avons reçu des réponses très rapidement.

    Le BIFFF, c’est un festival que beaucoup attendent encore plus que Noël. Personnellement, qu’est-ce qui te manque le plus ?

    Le fait de partager un travail de dingue effectué pendant un an avec notre public. Nous nous démenons chaque année pour trouver des pépites au quatre coins du monde et le festival, c’est la conclusion de ce travail. C’est le moment jouissif où nous pouvons partager les films avec le public le plus taré du monde. Et ça n’a pas de prix.

    Qu’est-ce que tu peux nous dire sur la programmation de cette année ?

    Je ne dirai rien des films et des invités que nous aurions dû avoir car nous gardons de bons contacts avec eux. Cette année, nous avions fait un focus sur le cinéma russe car nous sentions qu’il montait en puissance année après année. De même que nous l’avions senti avec le cinéma coréen à partir de 2009. Nous avions aussi une section documentaire qui nous tenait à cœur car ils sont touchants et représentent une autre manière de percevoir le genre avec un contexte absolument édifiant et fascinant.

    Tu nous partages chaque année tes coups de cœur de la programmation, quels étaient-ils cette année ?

    Sans ordre de préférence, je citerai Bring me Home, Butt Boy, VYHES, Bloody Hell, The Division, The Plateform forcément mais aussi Promising Young Woman et dans le genre anthologie il y avait aussi Scare Package qui était exceptionnel dans son genre. Et pour finir, The Death of Dick Long pour un final complètement dingue.

    Assez parlé de l’édition de cette année, parlons de tes souvenirs de BIFFF. Quelles sont les films qui t’ont marqué au festival ?

    Il y en a plein pour différentes raisons. Si je devais en garder une, ce serait Scream en 97. J’avais 16 ans, c’était mon premier BIFFF et je l’ai vu en avant-première avec Wes Craven comme invité. Et puis I Saw the Devil aussi. Quand on l’a vu, on s’est tout de suite dit qu’on avait le gagnant du festival, il n’y avait pas photo. Je retiens aussi Ghost Graduation en 2013 car le film représente la quintessence du festival. J’avais pisté le film et Caldera (le réalisateur) et Adolfo Valor (scénariste) étaient là pour la projection dans la grande salle du ciné 1. Ils stressaient comme pas possible. Ils ne savaient pas si le public allait être sensible à l’humour du film. Je les ai rassurés et à la fin du film, je me suis glissé dans la salle pour voir les réactions. C’était une arène de gladiateurs. Les gens gueulaient comme des fous furieux. Je suis sorti et le scénariste est arrivé chez moi en pleurant. Il m’a dit que c’était le meilleur moment de sa vie.

    Quels sont également les invités les plus marquants que tu as côtoyé dans le festival ?

    Il y en a eu énormément et la plupart sont vraiment adorables. Lance Henriksen est vraiment le mec le plus décontract de la terre. À chaque fois que je devais le trouver pour une interview, je le cherchais dans le carré VIP mais je le trouvais à l’extérieur, pieds nus en train de partager une bière avec des fans. Renny Harlin aussi m’a laissé un très bon souvenir. J’ai été manger avec lui et je lui ai dit que le film préféré de mon père était Cliffhanger. Au même moment, ma mère m’appelle et, comme Harlin, elle est Finlandaise. Harlin a pris mon téléphone et a commencé à taper la discussion avec ma mère en finnois. J’étais mort de rire (rires). Terry Gilliam aussi est une personne exceptionnelle. Même après 5h d’interview dans les dents, il jouait toujours le jeu mais en contrepartie, la seule chose qu’il me demandait c’était des bonbons nounours (rires). William Friedkin nous a aussi marqué. C’est un immense talent mais difficile à gérer. J’ai dû refaire son planning presse près de 56 fois. Il est très intelligent mais il aime tester les gens et voir où sont leurs limites. Par exemple, on nous avait dit de ne pas parler de L’Exorciste car il en avait marre et à son arrivée, nous sommes venus Youssef (ndlr : Seniora) et moi l’accueillir à l’Amigo. Nous arrivons dans sa suite et quand il entre dans sa chambre, nous l’entendons crier nos noms. Nous arrivons et il nous pointe une reproduction de l’Empire des Lumières de Magritte qui était affichée. Il nous dit : « Vous voyez ce tableau, c’est ce qui m’a inspiré pour L’Exorciste. » Du coup, on ne savait plus sur quel pied danser. Avec lui, c’était tout le temps comme ça.

    Pour toi, qu’est-ce qui représente le plus le BIFFF ?

    Je vais te donner un exemple concret pour représenter le côté populaire du BIFFF. En 2013, nous avons projeté Mama de Muschietti qui était présent via Universal. Il fallait le soigner et faire attention à ce qu’on disait mais lui s’en fichait au final. Quand nous avons présenté le film en ouverture de la Night, il a commencé à se faire entourer de PQ par sa sœur, les gens étaient complètement fous. Il devait partir pour aller manger mais il a tenu à rester pour voir la réaction du public. Au final, il est resté toute la Night. Deux ans plus tard, nous voulions l’avoir dans notre jury International mais il avait déjà l’adaptation de Ça en projet et sa sœur nous a dit que ce ne serait pas possible. Le jour-même, Andy nous rappelle et nous dit qu’il veut absolument revenir, qu’il pouvait avoir 40 de fièvre mais qu’il voulait venir au festival. Le BIFFF, l’essayer c’est l’adopter.

    Termine cette phrase : « Je me rends vraiment compte que c’est le BIFFF quand… »

    Quand j’oublier que c’est le printemps. Quand le BIFFF commence, il fait froid et dégueulasse et quand il termine, les arbres ont fleuri. J’ai l’impression d’être passé par un trou temporel qui m’a épuisé (sourire).

    Le BIFFF reviendra plus fort en 2021 ?

    Bien sûr. C’est pour ça que nous avons anticipé au maximum pour stopper cette hémorragie économique. Nous avons reçu des garanties des instances subsidiantes. La pandémie, nous la préférons au cinéma mais cette situation nous a donné une niaque d’enfer pour se retrouver l’an prochain en grande forme. Que ce soit pour l’organisation ou pour le public.

    Olivier Eggermont
    Olivier Eggermont
    Journaliste du Suricate Magazine

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