Occulus de Mike Flanagan
BIFFF, 17 avril. Le film démarre dans une salle emplie de spectateurs excités comme des puces. Alors que Jean-Pierre Jeunet vient d’être sacré Chevalier de l’ordre du corbeau (et refusa de chanter la traditionnelle chanson, préférant envoyer se faire f***** le public !), à l’écran se lance Occulus. Basé sur l’histoire d’un miroir maudit qui, de l’enfer, est l’utérus, le film enchaine les jump scare au point de donner à certains pas mal d’infarctus. Réalisation impressionnante et montage aussi énergique qu’un épileptique ayant mangé trop de sugus, tels sont les ingrédients qui permettront aux spectateurs d’entrer dans cet univers aussi sombre et puissant qu’Erebus. Une de ses astuces : ce punch, ce montage plein de tonus axé sur le voyage entre passé et présent où les personnages se rencontrent, se croisent, se parlent, se souviennent et, bien sur, se cherchent les poux, voire les puces.
La séance avance et doucement sur nos visages se dessine un rictus. Celui de la satisfaction.
Le plaisir se repend dans la salle comme un virus. Le film nous emballe même plus qu’une chanson de Renan Luce dont le public serait le chorus. Bref, on ne vous dit pas plus, filez. Allez voir Occulus.
MOEBIUS, de Kim Ki-duk
Pour aller vite, on pourrait dire que Moebius est un film coréen muet sur la bite aux accents freudiens. Plus précisément, sur la castration, les substituts du pénis et l’innovation dans la masturbation. Tout ça avec pour unique atmosphère sonore des grognements de douleur et de plaisir, souvent mêlés.
Pour aller un peu plus loin, il nous faut résumer l’intrigue : folle de rage face à l’adultère de son époux, celle que nous appellerons « la mère » décide de se venger et de castrer son fils adolescent – elle a d’abord essayé de s’en prendre au père, mais il s’est débattu. Rongé par la culpabilité (enfin, on suppose : je rappelle que personne ne parle) le père décide aussi de renoncer à son organe viril, mais au cours d’une opération – c’est plus propre. Toute une partie du film est donc consacrée à la recherche de substituts phalliques par le père et le fils. Le père, découvrant sur Internet que « le corps entier est génital », trouve en effet un truc génial – auquel, en paternel aimant, il initiera son fiston – consistant à se frotter le pied ou le bras avec des pierres, jusqu’au sang et jusqu’à l’orgasme (vous avez le droit d’être sceptiques).
Le fils, qui aimerait quand même essayer l’amour à deux, se rapproche alors de la maîtresse du père plutôt intéressée par l’idée de tester le petit, avant qu’il soit mêlé au viol collectif dont elle fait l’objet. Quand il ressort de ces quelques jours en prison (où on a d’ailleurs essayé de s’en prendre à sa culotte), l’adolescent essaie de renouer avec elle mais comme elle est fâchée, elle lui plante un couteau dans l’épaule. Et là, nos deux personnages découvrent un truc encore plus chouette que la pierre sur les pieds : la femme se met à remuer le couteau dans la plaie comme elle agiterait… vous m’aurez compris. L’effet est saisissant, tout le monde aime ça, et le fils initie ainsi au plaisir partagé. Ils recommenceront même le truc du couteau avec un des violeurs, à qui ils auront préalablement coupé le pénis pour tenter une transplantation sur l’adolescent – manque de bol, le pénis tombe sur la route et se fait écraser par une voiture. Ça sera quand même une petite consolation pour le violeur, qui redemandera du couteau dans l’épaule.
Finalement, et peut-être parce que toutes ces substitutions ne sont pas très satisfaisantes, l’adolescent se fera greffer un nouvel organe, qui donnera le meilleur de lui-même au contact de … sa mère (souvenez-vous, c’est quand même elle la responsable de tous ces pénis en moins). Le père, en véritable rabat-joie, fait tout pour séparer la mère et le fils, jusqu’à tenter de s’en prendre à… vous devinez quoi. Bref, les dernières scènes, où la mère retrouve le foyer, seront l’occasion de tourner encore un peu autour du thème de la castration.
Kim Ki-duk avait déjà réalisé un très beau film quasi muet, Locataires. On devine qu’ici, le procédé vise à mettre en valeur les aventures malheureuses du pénis en évitant nous distraire avec des intrigues subalternes, des dialogues psychologisants ou des développements sentimentaux. Moebius n’est donc pas à prendre comme une fiction réaliste – il n’y a pas réellement de questionnement ou de malaise moral, simplement des personnages qui cherchent à poser leur désir – mais sans doute plutôt comme une fable allégorique sur la famille, l’autonomie et l’autorité, abordée à partir de ce qui s’agite – ou pas – au fond du pantalon.
Moebius a largement déconcerté les BIFFFEURS, pour qui sans doute la triade « viols, violence et castration » promettait quelque chose de plus grotesque, de plus explosif ou de plus troublant. En effet, malgré cette peinture de la bite en famille, en dépit de tous ses passages entre souffrance et plaisir, poisseux à souhait, le film n’est même pas vraiment dérangeant, tant on a l’impression d’assister davantage à la mise en scène d’une théorie psychanalytique qu’à une histoire d’êtres humains. Un peu difficile, au cinéma, d’être touché par une démonstration.