Sol LeWitt
de Chris Teerink
Documentaire
Coup de cœur du FILAF 2016 (déjà lauréat du FILAF d’or en 2013), Sol LeWitt de Chris Teerink, à travers des témoignages et des vues somptueuses de ses œuvres, tente d’esquisser le portrait de l’insaisissable artiste minimaliste et conceptuel qui « ne voulait pas devenir une personnalité ». Comment faire le portrait d’un homme qui ne veut pas se montrer ? A partir de cette porte qui semble close, Chris Teerink s’émancipe du récit classique en tissant le canevas d’un artiste total à travers ce qui le définit concrètement.
Si on ne peut concevoir Sol LeWitt qu’à travers ses œuvres exposées, qui finalement ne lui appartiennent déjà plus, on ne peut que se délecter de la virtuosité des plans que le cinéaste nous offre à la contemplation. Guidée par une des rares interviews de l’artiste, la caméra, en adéquation avec les œuvres, nous révèle ce que l’oeil humain ne saurait nous montrer de ces wall drawings (dessins muraux). Une oeuvre finie n’appartient déjà plus, ni à l’artiste ni au présent, mais comprendre l’idée d’une oeuvre, c’est connaitre l’artiste à travers une démarche toujours dans le présent et constamment dans le devenir. Les éléments techniques cinématographiques mis au service du travail de l’artiste prennent le temps nécessaire à la contemplation, à la compréhension mais aussi à la création dont naîtra l’interaction.
L’héritage que laisse Sol LeWitt n’est pas didactique, bien au contraire, il est sensoriel. Lorsque l’artiste cesse de créer ses œuvres matériellement, ses idées se concrétisent par des mots rassemblés en instructions destinées à l’acquéreur qui deviendra bientôt créateur. La création du Wall drawing #801 ‘Spiral’, installé à Maastricht en 2011, dont on suit l’avancé tout au long du film, témoigne de l’expérience de ce processus de création. Parce qu’il nécessite une confiance totale, l’acte de créer offre un moment de partage avec l’artiste et permet de le découvrir en ce qu’il dégage une méthodologie, et une gestualité propre à son langage. Le montage de la pièce, qui a nécessité 30 jours de travail, démontre tant l’accessibilité revendiquée par l’artiste que l’interaction entre l’idée (artiste) et la création (spectateur).
A ces deux dimensions de l’oeuvre de Sol LeWitt, viennent ponctuer des brides de mots des proches de l’artiste. Anecdotes, souvenirs, les éléments concrets nous font osciller entre oeuvre et réalité et, finalement, c’est le vieux charpentier italien de l’artiste qui, la larme à l’oeil, le matérialise en nous montrant furtivement sa seule image.
Le film ne relève pas le mystère de l’artiste, mais amène la justification de celui-ci. Les fragments de moments, de mots et de création qui gravitent autour du fils conducteur de la création du Walldrawing #801, nous guident à travers une perception en mosaïque de l’artiste.