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    [Avignon OFF 2023] Six Amours à l’ESPACE ROSEAU TEINTURIERS

    De Vincent Mignault, mis en scène par Julie Macqueron et Vincent Mignault, avec Elisa Birsel, Mathieu Duboclard, Paul Valy, Noémie Fourdan, Dimitri Lepage, Julie Macqueron, Vincent Mignault et Laure-Estelle Nézan. À l’Espace Roseau Teinturiers  à 21h25 du 7 au 29 juillet (relâche les mardis).

    Nous avions découvert et adoré la Compagnie Je Suis Ton Père, en 2016, dans Brassens, lettres à Toussenot. Nous les avions revus en 2019 dans Un Champ de Foire pour les aimer davantage. Il était tout à fait normal, de revenir les voir à Avignon pour leur nouvelle pièce de théâtre.

    Comme nous disait l’auteur, Vincent Mignault, après la représentation : « Trois fois que vous venez nous voir et ce n’est jamais le même style ». Et c’est justement là, la richesse de cette troupe et de leurs textes, la diversité. Pouvoir aborder tous les sujets sous différents prismes. En mettant en avant la qualité de chaque comédien et comédienne. On ressent une belle amitié entre ces artistes, sans que cela ne s’arrête à ceux qui occupent la scène. Les sourires partagés se ressentent jusqu’après les applaudissements.

    Six Amours nous propose une histoire originale. Nous assistons à une étude neurobiologique sur trois couples qui sont nés de chefs-d’œuvre du théâtre. Roméo et Juliette, Cyrano et Roxane et Camille et Perdican.  À peine installé sur nos sièges, nous sommes plongés dans un immense laboratoire, derrière une vitre. De l’autre côté, les sujets, représentants de l’Amour et du romantisme dans son état le plus sublimé. Pourtant ne sont-ils pas comme nous ? Ne vivent-ils pas aussi l’évolution d’une relation malgré la sincérité de leurs sentiments ?

    Loin des clichés académiques, nous redécouvrons ces trois couples que nous pensions connaître parfaitement par leurs œuvres. Si Shakespeare, de Musset ou Rostand nous les présentaient avec autant de mystère que de damnation sentimentale, ce n’était que leur vision de leur création. Ici, nous assistons à une normalité de ces couples légendaires. Ils existent dans une réalité loin de la littérature. Le fatalisme de leur histoire rejoint notre monde, notre quotidien, nos expériences personnelles.

    Chaque comédien et comédienne dépose une émotion différente par son personnage, sans jamais exagérer ou effleurer le cliché.

    Roméo et Juliette nous apparaissent en couple beaucoup plus franc et complice que la dernière fois que nous les avions connus. Avec une Laure-Estelle Nézan déjantée et aussi énergique que touchante. Nous savions à quel point elle pouvait nous faire rêver en muse et nous décontenancer en sœur bougonne dans les précédentes pièces. Ce coup-ci, c’est à coup de tendresse et de véracité qu’elle nous ravit une fois de plus.

    Camille et Perdican reviennent sur leur histoire, leur vie, leurs mensonges. Vincent Mignault et Noémie Fourdan piquent directement notre corps par l’authenticité des questionnements apportés. Si le texte est fort en sentiment, il est amplifié par la puissance de leurs regards, notamment ceux croisés dans le reflet d’une vitre qui nous sépare d’eux.

    Roxane et Cyrano ont également bien évolué. Chacun traine son passé comme un boulet au pied, empâté de leurs psychoses d’une précédente fin tragique. Dimitri Lepage nous fait rêver avec un magnifique Cyrano, damné par ses rêveries. Nous voyageons entre la jubilation de voir sa folie et l’attendrissement de son désespoir.

    Ces trois couples sont observés par une doctoresse, jouée par Elisa Birsel, apportant une vision très froide et protocolaire de l’Amour. Elle nous emmène avec elle dans son expérience, frôlant le sadisme des réactions possibles face aux hormones formant ces sentiments passionnels.

    Une fois de plus, Vincent Mignault nous prouve sa place d’auteur à ne surtout pas oublier. La trame est d’une justesse enivrante, parsemée de répliques cinglantes, de punchlines et de profondes réflexions. Le retournement de situation est percutant et n’était aucunement soupçonnable.

    La scénographie est également très riche tant par la lumière que par les vidéos qui font échos à ce qui se déroule sur le plateau. Avec une régie qui doit jongler sur tous les effets que cette pièce nous expose.

    Les questionnements sur l’Amour abordés dans la pièce nous font encore réfléchir après avoir quitté la salle. Et plusieurs moments durant la représentation nous éperonne le cœur et l’esprit. Nos yeux vibrent de larmes, que ce soit par les échanges de ces couples que nous connaissons depuis si longtemps que par des mots qui ne sont jamais prononcés.

    La Compagnie Je Suis Ton Père est une source sûre d’amusement, de réflexion et de plaisir. Au bout de deux spectacles vus, c’est une tradition. Celle-ci est confirmée par cette nouvelle pièce qui nous en met plein la vue. Nous reviendrons les voir.

    Christophe Mitrugno
    Christophe Mitrugno
    Journaliste du Suricate Magazine

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