De Bruno Coppens, mise en scène de Eric Destaercke et Adèle Crickx, avec Bruno Coppens. Au Théâtre Épiscène à 19h30 du 6 au 29 juillet. (Relâches 10, 17 et 24 juillet)
Une nouvelle fois au Festival d’Avignon, Bruno Coppens ravit ses fans autant que les nouveaux initiés à l’univers de ce jongleur de mots.
Un one-man-show avec une immense énergie, à peine la lumière allumée. Il maintient d’ailleurs celle-ci en reliant son vélo à l’électricité de la salle. Si bien que tant qu’il pédale, nous pouvons suivre le spectacle et profiter de l’air-conditionné.
Les sujets foncent dans tous les sens. Bien que l’écologie soit au centre du spectacle, Bruno Coppens nous parle de politique, de différences entre les pays, de nostalgie, de technologie, de réseaux sociaux ou encore de communication difficile à notre époque. Et pour ne pas brusquer le public novice à son univers, il démarre les jeux de mots en douceur. Une sorte de rampe de lancement pour ne pas trébucher dès le début. Une fois que les premières phrases farfelues ont glissé jusqu’à nos oreilles, il peut démarrer sa machine à chafouineries de la langue. Et à partir de là, il ne cessera plus. Pas le temps de freiner ou de faire demi-tour. Attachez-vous bien et ouvrez grands vos écoutilles !
Bruno Coppens reste le grand magicien des mots. Il y en a pour tous les goûts. Des rimes ou des astuces langagières faciles, aux plus compliquées. En passant par des jeux à retardement. Il nous arrive de comprendre un bon mot quelques minutes plus tard, voire après le spectacle quand l’illumination s’est enfin faite. On retrouve également quelques jolies phrases qui nous apparaissent comme de petites friandises pendant notre écoute du texte. Et quand il s’attaque à de l’absurdité en homophonies ou presque à chaque mot, l’écoute est un réel délice. La scène du logopède est une explosion cérébrale de plaisir.
La mise en scène permet également de savoureuses images. Sans s’en rendre compte directement, les postures, les déplacements ou les objets, qui se transforment en d’autres utilités, ajoutent une exquise poésie scénique.
Bien entendu, Bruno Coppens ne s’arrête pas à une simple déclamation de ses textes. Il nous les raconte, nous les fait vivre. Et le public participe à plusieurs reprises à ses délires fantaisistes, toujours avec le sourire jusque derrière les oreilles.
Nous avons eu l’immense plaisir de pouvoir discuter avec Bruno Coppens, à la fin de son spectacle.
Christophe : Tu es venu jouer ton spectacle Je mène une vie scène, mais le lundi 17 juillet, tu présentais ton livre Raymond de rond en large, réalisé avec Pierre Kroll et Marc Dausimont.
Bruno : Oui, Pierre est venu au Festival pour qu’on parle de notre bouquin. Pendant que j’expliquais la création de celui-ci, Pierre sortait des caricatures au fur et à mesure. C’était très drôle à faire. Je racontais quelques passages du livre et jouais des extraits des textes de Raymond Devos.
Christophe : Tu n’as découvert la vie de Raymond Devos que dernièrement ?
Bruno : C’est plus ou moins ça. Je connaissais ses textes, je les avais même déclamés de nombreuses fois, mais je ne savais rien de Raymond. Il y a deux ans, j’ai décidé de creuser un peu plus sur l’histoire du bonhomme. Il était très pudique et ne parlait pas de sa vie privée. Pourtant, dans la plupart de ses textes, il y a des allusions à sa vie, sa famille, son enfance. Et c’est fou de s’en rendre compte. Jamais on ne pourrait se douter de tous les mystères que ses jeux de mots dissimulaient. Quand je l’ai découvert, j’ai voulu le partager et en faire un bouquin. Et il me fallait les dessins de Kroll pour illustrer Raymond comme je me l’imaginais.
Christophe : J’ai l’impression que tu ne t’arrêtes jamais. Tu écris et joues tout le temps.
Bruno : Oui, j’adore ça ! Je fais différents spectacles, je fais des chroniques à la radio. Je bouge tout le temps. Et j’écris dès que je le peux pour fabriquer mes prochains spectacles. Pour l’instant, je fais tourner celui-ci. Je joue un peu partout dans la francophonie. En France, en Suisse et à Québec. J’adore découvrir toutes ces populations qui aiment la langue française, chacun à leur façon.
Christophe : En fonction du lieu, tu t’adaptes au public ?
Bruno : Bien entendu ! Plus que m’adapter, je m’accorde en fonction des gens. Mon spectacle n’est jamais le même suivant l’endroit où je le joue. À Avignon, bien entendu, c’est plutôt la durée que je vais modifier. Mais la plupart du temps, j’essaye vraiment d’apporter une touche personnelle au public. Dans mon précédent spectacle, Erick Destaercke, le metteur en scène, me demandait de jouer pieds-nus. Je ne comprenais pas bien l’intérêt. Pourtant la différence opérait en fonction du sol sur lequel je jouais. Et rien que ça, le public pouvait le ressentir. Quand tout ton corps s’adapte pour le lieu, ça rend le spectacle beaucoup plus vrai.
Christophe : Tu improvises également durant le spectacle ?
Bruno : Oui, bien sûr. J’aime beaucoup la triangulation sur scène. L’humoriste, un complice et le public. L’énergie voyage au milieu et amplifie toute l’appréciation du spectacle. J’aime beaucoup prendre quelqu’un du public pour devenir mon complice. Que ce soit le temps d’une scène ou en clins d’œil durant une heure. J’adore jouer avec le public et le rencontrer en dehors de la scène. Avec le temps, je me suis rendu compte d’une chose : j’aime les gens ! J’aime profondément les gens. Si je fais ce métier, ce n’est plus simplement pour un plaisir personnel, c’est pour toutes les rencontres que je fais et la joie que cela procure. Je sais que certains jeunes artistes cherchent expressément des rencontres importantes. Dans un sens, ils ont raison, ça peut leur apporter des opportunités et de l’aide pour avancer dans le métier. Personnellement, chaque rencontre joyeuse est un réel bonheur.
Christophe : J’ai vu que tu tractais toi-même dans les rues ?
Bruno : Oui ! Encore une occasion de rencontrer le public. Mais j’ai des personnes qui m’aident à tracter, bien entendu. À Avignon, il y a tellement de populations différentes et d’artistes de tous les horizons, c’est très amusant de décrire mon spectacle et de donner envie aux gens de venir me voir. La scène commence dans la rue.
Christophe : Pourtant, tu es un habitué d’Avignon, non ?
Bruno : Oui, oui, ça fait quelques années que je viens. Mais il y a toujours de nouveaux publics. D’ailleurs, à présent, quand je viens, je loue une grande maison avec plusieurs chambres. Comme ça, je peux inviter tous les amis qui passent dans le coin. Et de préférence des personnes qui ne sont pas liées au théâtre. Comme ça, quand je quitte la scène, je peux vraiment souffler et profiter sans discuter boulot.
Christophe : Bientôt un nouveau spectacle ?
Bruno : C’est en préparation. J’aimerais beaucoup faire un grand spectacle sur Raymond Devos avec plusieurs artistes qui l’ont aimé autant que moi ou qui pourraient s’amuser à jouer ses textes. On prépare ça tout doucement.