De et mis en scène par Franck Harscouët, avec Armelle Deutsch, Sophie-Anne Lecesne, Philippe d’Avilla, Laura Elko. A la Condition des soies à 21h40 du 7 au 30 juillet (relâches les 11, 18 et 25 juillet).
Adèle Bloom, une jeune employée de la poste et inadaptée sociale vivant dans les années 50, vient d’être internée dans l’hôpital psychiatrique d’Halifax, dirigé par le tristement célèbre Docteur Walter Freeman. A peine arrivée dans le pavillon des « bonne patientes », elle est plongée dans les travers du système : les remontrances de l’infirmière en chef, le train train quotidien de l’hôpital, le contact avec les autres patientes (tantôt difficile face à la muette Rosemary Kennedy, tantôt joyeux grâce à Poppie, l’ancienne pensionnaire) ou encore la peur des traitements que peut lui infliger le Dr. Freeman. Parsemée seulement de quelques visites épisodiques de sa mère, la vie d’Adèle Bloom devient survie. Livrée à elle-même, elle se réfugie dans l’écriture et une paranoïa qui la fait glisser vers la folie et la violence qui la conduiront vers l’aile des réfractaires et les traitements chocs pendant plusieurs années.
Dès la première scène de Je m’appelle Adèle Bloom, on ressent vite l’atmosphère pesante et le spectateur pénètre intensément dans ce thriller mental inspiré par de multiples références : Shutter Island de Martin Scorcese (l’atmosphère), Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman (l’image de l’infirmière en chef), l’univers de David Lynch, la figure d’Adèle Hugo (fille de Victor Hugo à l’état mental défaillant, dont l’héroïne ne partage pas le prénom pour rien) ou encore l’écriture de Sarah Kane (dramaturge britannique ayant écrit sur les hôpitaux psychiatriques tout en y étant internée avec de s’y suicider). Mais on découvre aussi le personnage réel de Walter Freeman (médecin controversé ayant popularisé la lobotomie à la chaîne), les histoires tragiques de Rosemary Kennedy (fille du clan Kennedy et une des premières patientes du Dr. Freeman) ou de France Farmer (actrice écrasée par Hollywood qui a séjourné plusieurs fois en hôpital psychiatrique), différents scandales de l’époque aux USA et au Canada ou enfin et surtout, la vie de l’autrice Janet Frame qui réussit grâce à son écriture, à sortir de l’enfer des asiles d’aliénés en Nouvelle-Zélande dans les années 60.
Si toutes ces références ou ces multiples personnages réels mélangés à de la pure fiction, peut effrayer de prime abord, il ne faut pourtant pas hésiter à découvrir ce spectacle qui est avant tout centré sur le traitement réservé aux femmes dites « inadaptées ». Je m’appelle Adèle Bloom est d’ailleurs une performance de ses trois comédiennes : Laura Elko, chanteuse d’opéra, musicienne, ventriloque et comédienne, joue une Rosemary Kennedy glaçante qui hante l’institut avec sa poupée par qui elle communique et par ses nombreuses heures à jouer au piano ; Sophie-Anne Lecesne joue pas moins de quatre rôles différents et change de personnalités avec une facilité déconcertante, nous plongeant en quelques minutes dans la joie ou la peur ; Armelle Deutsch incarne l’héroïne, Adèle Bloom, avec une intensité troublante : ses moments de folie, ses pleurs, semblent si réels, qu’elle ne laisse aucun moment de répit au spectateur et brûle littéralement les planches.
Au final, Je m’appelle Adèle Bloom est une pièce qui mélange fiction et réalité pour illustrer brillamment son propos et son atmosphère. Mais ce sont ces personnages féminins et les comédiennes qui les interprètent qui font de ce spectacle, une pépite à découvrir au plus vite.