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    Avec Bled Runner, Fellag inaugure la saison de l’Espace Magh dans un tendre éclat de rire

    De et avec Fellag, mise en scène par Marianne Epin. Du mercredi 12 au samedi 15 septembre 2018 à 20h00 à l’Espace Magh. Crédits photo : Christophe Vootz.

    Bled Runner est un seul-en-scène dans lequel Fellag interprète et réactualise des éléments de vingt ans de ses spectacles (Djurdjurassique Bled, Un bateau pour l’Australie, Le dernier chameau, Tous les Algériens sont des mécaniciens, Petits chocs des civilisations…).

    Kabyle né en 1950 en Algérie et ayant vécu en France, Fellag utilise son vécu, ainsi que les relations mouvementées entre les deux pays, pour former la trame de cette rétrospective où sont abordés de nombreux sujets parfois sensibles (la guerre, la décolonisation, le racisme et le radicalisme pour n’en citer que quelques-uns) sur le ton de l’humour – souvent faussement naïf et parfois plus décapant.

    Le public est entrainé dans un parcours chronologique débutant avec la guerre de décolonisation vue par le petit Mouloud âgé de 5 ans dans son village de montagne, et s’achevant avec l’arrivée d’un homme mûr dans la France de 1995, au moment des attentats du Groupe Islamique Armé. Le comédien alterne avec aisance des récits attendrissants (par exemple son arrivée à l’école où ne parlant que le kabyle, il ne comprend ni l’arabe ni le français) et les histoires absurdes qui provoquent immanquablement les éclats de rire dans la salle (comme lorsque l’administration coloniale française attribue de nouveaux patronymes au hasard aux Algériens). L’oscillation permanente entre les différentes cultures est magnifiquement rendue par l’usage de français mâtiné de phrases en kabyle et en arabe pour le plus grand plaisir des spectateurs.

    La force de Fellag est également de faire partager l’évolution de son regard à travers les décennies qu’il décrit. Il aborde son enfance avec des anecdotes plus personnelles contées avec une grande tendresse empreinte de nostalgie comme par exemple les fêtes clandestines de sa mère, illustrées par des robes dansant dans l’air comme de gais fantômes. La période de guerre civile ayant suivi l’arrivée au pouvoir du Front islamique du salut que l’artiste a traversé adulte est en revanche décrite avec plus de froideur par le biais d’un certain humour noir.

    Le public est conquis et pardonnera  facilement quelques petits oublis qui donneront lieu à d’amusants  moments d’improvisation. Un Bled Runner très réussi qui ravira tous ceux qui aiment à la fois rire et réfléchir.

    Sophie Karides
    Sophie Karides
    Chroniqueuse du Suricate Magazine

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