Argylle
de Matthew Vaughn
Action, Espionnage, Thriller
Avec Bryce Dallas Howard, Sam Rockwell, Henry Cavill
Sortie en salles le 31 janvier 2024
On pourrait appeler ça « l’inversement proportionnel qualitatif » et on pourrait l’expliquer comme suit : plus on met de bonnes choses ensemble, plus le résultat est décevant. Si on l’applique au cinéma, ça donnerait quelque chose comme : plus il y a des stars dans un film, plus le film est mauvais. On peut avancer deux explications au fait qu’un casting affolant ne résulte souvent que sur un film médiocre. D’une part, son annonce amène un certain horizon d’attente, plus il y a d’acteurs que l’on aime, plus on s’attend à aimer le film. Ainsi, on sera déçu d’un film qui n’est pas mauvais en soi, mais qui n’est pas non plus à la hauteur de ce que l’on attendait. D’autre part, on peut aussi avancer qu’un film empilant les stars comme on en fait des Kapla coûte cher et, étant donné que l’on vit dans une économie capitaliste, ledit film, comme tout produit, se doit d’être rentable : plus un long-métrage coûte cher, plus il doit rapporter d’argent. Et pour rapporter de l’argent, il n’y a pas trente-six solutions, il faut plaire. On peut donc supposer qu’un film au casting trois étoiles ne prendra que peu de risques afin de satisfaire le plus grand nombre, quitte à carrément manquer d’originalité, quitte à être sans saveur. Si cette théorie n’est pas universelle (Love Actually étant le contre-exemple parfait), il n’empêche qu’elle est applicable à nombre de films au casting d’exception, dont Argylle.
Argylle qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas si simple de répondre, car il y a bien un héros éponyme, un espion, un James Bond en bonne et due forme. Mais le film de Matthew Vaughn tend à la mise en abyme. En effet, Argylle, l’agent secret, c’est un personnage fictif, créé par Elly Conway, autrice et cliché de la vieille fille à chats. Mais cette vie tranquille de romancière casanière explose lorsqu’elle se rend compte que ses écrits et la réalité ne forment qu’une seule et même histoire. Voilà Elly lancée dans une mission d’espionnage avec le véritable Argylle.
Services secrets, personnages décalés et musiques pop sur scènes d’action, Argylle reprend les codes qui ont fait le succès de Vaughn et de sa saga Kingsman, entamée en 2015. Et si le premier film a un peu révolutionné le genre en trouvant un équilibre inattendu entre sérieux, cool et pastiche, l’aspect novateur jamais renouvelé du ton résulte sur des films de plus en plus attendus, voire déjà vus.
Cependant, ce n’est pas tant par l’aspect éculé de son fond que le film pêche, mais plutôt par la disparation de son concept. En effet, la narration n’a rien de linéaire au regard du nombre de twists qui jalonnent le film. L’histoire ne s’arrête jamais, car chaque séquence ou presque termine sur une découverte. Le problème fondamental n’est pas le principe de découverte, nécessaire à l’avancée de la narration, mais le fait que ces découvertes remettent en question la totalité de ce qui a été vu précédemment, comme si un nouveau film commençait à chaque fois, si bien qu’on a l’impression de voir une série de plusieurs saisons en seulement deux heures tant tout change constamment.
En se concentrant autant sur une narration à rebondissements, le long-métrage en oublie ce qui fait l’essence de son style, le « fun and game », l’aspect décalé/cool de ses personnages et les blagues. On se retrouve alors devant un film d’espionnage presque banal. Certes, le côté pop reste tout du long, mais rien ne vient vraiment surprendre le spectateur. Le concept même du film, celui du trouble entre réalité et fiction, se perd dans une explicitation du background de tous les personnages. Ainsi, Matthew Vaughn tue son innovation dans l’œuf.
Argylle incarne malgré lui son propos, celui du jeu avec les apparences. Soi-disant adaptation d’un livre qui n’est pas encore sorti, d’une autrice du même nom que l’héroïne principale, dont l’existence fait débat, le film se vend comme décalé et plein d’humour, un long-métrage où la réalité se confond avec la fiction alors qu’il n’est qu’un film d’action aux accents pop qui tend au conformisme d’un James Bond ou d’un Mission impossible. En deux mots : Pétard mouillé.