« Au fin fond de décembre », vous n’êtes pas prêts pour ce roman noir à la flamande !

Titre : Au fin fond de décembre
Auteur : Patrick Conrad
Editions : Actes Sud
Date de parution : 4 octobre 2023
Genre : Policier

Cap sur Anvers, fin des années 90. Theo, ancien inspecteur de police, sort tout juste de prison. Il a été incarcéré quatre ans auparavant pour avoir tiré à bout portant sur celui qu’il pensait être le violeur et le meurtrier de sa fille. Pas de bol, ce n’était pas le bon bonhomme. Theo, désormais sans emploi, sans famille et sans amis, doit changer de vie et trouve un boulot dans une petite entreprise de dératisation.

Lors d’une mission dans un immeuble inhabité, il fait la rencontre d’une vieille dame plutôt chic. Le hic, c’est qu’elle gît dans une pièce remplie de capotes, de sex toys et de pots de vaseline, asphyxiée par un sac qu’elle a autour de la tête et se trouvant dans un état de décomposition avancée. Qui est-elle ? Comment s’est-elle retrouvée là ? Et pourquoi l’a-t-on assassinée ? Theo, se raccrochant à ses réflexes de justicier, décide de mener l’enquête sans l’aide de la police…

Patrick Conrad nous entraîne dans les quartiers louches d’Anvers, où le business principal concerne le sexe et la drogue, dans un décor de logements miteux exhalant un panaché nauséabond d’odeurs de rongeurs putréfiés, de séances de sexe alcoolisées et de cannellonis du Aldi. Cet univers peu lumineux est peuplé de personnages marginaux, avec en tête notre anti-héros, Theo. Véritable écorché vif, il a tout perdu, y compris sa raison de vivre. Parfois borderline, il garde cependant la plupart du temps une attitude sereine et détachée qui lui permet de garder la tête hors de l’eau et de gagner la confiance de celles et ceux qu’il croise. A ses côtés gravitent des personnages tout aussi simples, tristes et seuls : une caissière désabusée, un producteur de films X au grand cœur, un archiviste obsessionnel, un travailleur de pressing le jour et go go dancer la nuit… et bien d’autres.

L’auteur flamand nous plonge dans un monde suintant de crasse mais ne manque pas d’humour, contrepied indispensable pour faire passer la noirceur du livre. Sous le prétexte de la fiction, il nous ouvre tout de même les yeux sur le quotidien de personnes qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts et vivent dans une précarité forcée, dans des quartiers qu’ils auraient préféré éviter, à côtoyer des gens peu recommandables.

Le côté barré de l’histoire est accentué par les rêves assez loufoques de Theo, régulièrement décrits sans préambule. Dans un premier temps, il est possible que vous soyez paumés et convaincus d’avoir été distraits dans votre lecture… avant de comprendre que vous êtes bel et bien dans la tête du héros qui sommeille. Vous vous y habituerez très vite.

Même si l’on regrette que le dénouement manque un peu de piquant, ce polar restera mémorable pour ses personnages moroses, croqués de manière exquise, ainsi que pour son ambiance nocturne et poisseuse, propice à chasser le rat dans les bas-fonds anversois.