Au bout des doigts
de Ludovic Bernard
Comédie
Avec Lambert Wilson, Kristin Scott Thomas, Jules Benchetrit
Sorti le 26 décembre 2018
« À vous de jouer », #pianoengare ! À Paris, tout est-il possible ? Quel pianiste en apprentissage ou pianiste en rêve n’a-t-il jamais rêvé de s’assoir devant l’un de ces pianos et de voir, note après note, les passants se rassembler autour de lui ? C’est l’idée de départ d’Au bout des doigts, le troisième film de Ludovic Bernard.
Pierre, le directeur artistique du Conservatoire de Paris, entend par hasard Mathieu Malinski, un jeune de banlieue poursuivi par la police, interpréter sans faux pas et avec fougue un prélude de Bach sur un piano public, au milieu d’une gare bondée et bruyante. Il lui propose de rejoindre son école et de lui apporter son aide, moyennant certaines conditions. Avec un objectif inébranlable derrière la tête : présenter ce jeune prodige en tant que candidat officiel du conservatoire au grand prix d’excellence. Mais Mathieu doute, il se sent perdu, peu confiant dans ce nouvel univers et encore bien attaché à ses origines modestes. Son entourage ignore sa passion dévorante pour le piano, tandis que ses nouvelles relations semblent en décalage avec lui.
Au bout des doigts prend le pari de nous raconter une histoire digne d’un conte de fée, d’un récit initiatique comme on les connait trop bien. Mais une fois plongée dans le moule du réalisme, l’histoire sonne faux. Allant de coïncidence en coïncidence, ce long métrage se montre très peu convaincant et clairement agaçant à certains moments. Le film joue sur les clichés et les préjugés alors qu’il aurait dû les déjouer. D’un côté, la banlieue qui se soucie du fric et des flics, de l’autre, la bourgeoisie très attachée à l’excellence et à sa soif de récompenses et de prestige. La musique n’est à aucun moment descendue de son piédestal pour être mise en concurrence avec d’autres préoccupations.
Une œuvre qui donne l’impression d’une promesse non tenue quant à son côté dramatique, et d’une suite exagérée de facilités scénaristiques. Car les obstacles présentés sont vite balayés, notre protagoniste doit apparemment réussir quoi qu’il arrive. En bref, tout est trop beau pour être vrai. Seul le bon équilibre entre musique et récit, la réalisation correcte ainsi que quelques pointes d’humour permettent un bon divertissement. Ce conte dramatique a au moins le mérite d’être tout public et de nous offrir une belle sélection de morceaux de piano. Les acteurs sont inégaux, mais leurs personnages eux-mêmes manquent de profondeur et leurs répliques sont maladroites, de quoi leur pardonner un peu. L’effort de Jules Benchetrit pour jouer Mathieu, ce pianiste à l’oreille absolue, alors qu’il n’avait aucune notion de piano auparavant, est très appréciable. Il s’agit aussi du seul acteur qui semble jouer avec sincérité d’un bout à l’autre, malgré un scénario qui tient de moins en moins la note.
Le réalisateur n’a pas su choisir une fin acceptable à son histoire, il mène son personnage vers un dénouement trop prévisible et irréaliste. Le vraisemblable est trop souvent mis de côté, de même que les exigences des spectateurs. Seuls le divertissement et la musique répondent à l’appel du spectateur.