Titre : Atome 33
Auteur : Grégoire Osoha
Editions : Marchialy
Date de parution : 12 février 2025
Genre du livre : Essai journalistique
Grandir et fonder une famille près d’un lac et de la forêt, au Québec, dans une petite ville du nom de Rouyn-Noranda. C’était l’ambition, le rêve ou le fantasme de nombreuses personnes jusqu’à encore récemment. Puis, le rêve est devenu cauchemar. Car la ville en question accueille sur ses rives une usine, la fonderie de cuivre Horne. Alors que le paradis sur terre semblait à porter de mains, voilà que les enfants (et les adultes) qui respiraient un air que tout le monde pensait propre étaient en fait soumis à un poison, et ce, en grande quantité : l’arsenic.
C’est en 2019 que les habitants et habitantes de Rouyn-Noranda se réveillent groggys. Des tests révèlent les taux d’arsenic bien supérieurs à la moyenne national dans le corps de leurs progénitures. L’arsenic, c’est l’atome 33, qui, en grande quantité, peut être responsable du développement de maladies graves et de cancers. La ville, ou une partie de la ville, se réveille alors et s’organise : il faut défendre les nouvelles générations, celles qui jouaient dans le sable de leurs jardins sans se soucier du monde.
Sauf que l’usine, c’est celle qui nourrit la plupart des familles de Rouyn-Noranda. Tout le monde connaît quelqu’un qui travaille dans la fonderie : un.e ami.e, un.e proche. Et même si des ouvriers meurent de maladie relativement jeunes, que ferait la ville sans l’usine ? Oui, s’inquiéter du taux d’arsenic, c’est nécessaire, mais pas si on coupe les vivres de familles entières. Et puis, de toute façon, l’influence de l’usine est tentaculaire. D’abord, via des investissements locaux, dans les clubs de sport, les associations, les écoles, le scoutisme, etc. Ensuite, parce que Horne a été rachetée, fin du vingtième siècle, par Glencore. Entre alors en jeu des sommes mirobolantes, des milliardaires assoiffés de pétrole et des gouvernements locaux et nationaux (québécois et canadiens) qui doivent choisir entre argent ou bien-être de leurs citoyen.ne.s…
Grégoire Osoha retrace le combat de certains habitants et habitantes de cette ville pour pouvoir respirer un air propre. Le ton est plutôt pessimiste et même si on espère un dénouement heureux, on perçoit une légère amertume et la désillusion dans l’écriture, surtout en fin de chapitres. La victoire n’est pas encore pour demain. Y croire était peut-être naïf : que peut l’écologie ou une poignée de personnes respirant de l’arsenic contre une entreprise qui rapporte des millions de dollars à une industrie, un pays ? Que peut l’humain face à l’avarice et l’envie première de ramener le plus d’argent sur la table ?
Si l’issue n’est pas des plus roses, le combat reste nécessaire. La victoire n’a pas eu lieu, mais des victoires peuvent être célébrées. Osoha retrace ainsi la vie de ces individualités bouleversées par cet arsenic. Atome 33 construit en parallèle l’histoire de sa fonderie avec celle du combat mené à partir de 2019, dans un style journalistique simple, droit au but. Il nous égare gentiment en s’intéressant à Marc Rich pour mieux revenir dans l’enfer des multi-milliardaires nous gouvernant. Le combat est inégal, la défaite dure à avaler et à décrire en mots. Mais la bataille ne sera pas abandonnée tant que le taux d’arsenic rejeté par l’usine ne respectera par les normes nationales.