Le musée Art et Marges ouvre le premier volet d’une exposition chantier qui met sa collection à l’honneur et sera renouvelée tout au long de l’année. N’appelez pas ça art brut, le premier volet de l’exposition part d’un constat de Jean Dubuffet, premier théoricien de l’art brut.
Le musée Art et Marges ouvre ses portes en avril pour présenter un historique fouillé plutôt qu’une exposition. En effet, cette fois-ci, la vie muséale ne s’adapte pas à une vitrine, à l’inverse elle évolue en fonction des recherches menées jusqu’à présent. 1984, lettre de Dubuffet, le plasticien insiste sur le fait de ne pas appeler ça de l’art brut, terme réservé à sa collection dont use, à tort ou à raison, bon nombre de centres d’art actuel pour désigner une griffe alternative. L’occasion de redéfinir la fonction première du musée semblable à un adolescent qu’on n’aurait pas vu grandir, selon l’image de la commissaire Colline de Reymaeker. La doxa de la marginalité n’est pas mise en avant, préférant le goût pour les dispositions incongrues et les parcours immersif.
Entre art gustatif et art sonore
L’exposition s’ouvre sur des dessins de Francis Goidts à l’âge de dix ans, ce départ pose directement la question de l’intégration des enfants – dont la naïveté esthétique est due à leur posture néophyte – dans cette terminologie suspendue. La rencontre avec cet art atypique se fait par nos papilles avec Aloïse Corbaz en collaboration avec les étudiants du Master Executive food-design qui nous guident vers une approche gustative de l’œuvre. L’autel des sens est également célébré par les installations radiophoniques reliant nos oreilles aux visuels, sans passer par une analogie didactique. Ce modelage de l’environnement selon un vaisseau particulier nous baigne dans les courants variés.
Martha Grünenwaldt passe du figuratif à l’abstrait avec un style graphique minutieux, véritable millefiori où se couche l’invisibilité, cette rétrospective nous montre l’évolution de son travail qui investit plusieurs styles. Le mobile en aluminium que forment les figures chimériques de Malik Barfi insuffle un souffle d’air aux dynamismes terriens. Le collectif Gilbard constitue une cabane méditative, le travail textile dessine le nid d’une zone scénographique intermédiaire ; fait à partir de matériau de réemploi, l’idée d’écologie des matériaux que l’on retrouve dans l’art brut – fuyant consciemment ou non toute surenchère technologique – est soulignée.
Cette présentation rappelle la fonction de l’atelier : un dialogue en kyrielle qui fait du lieu un espace de recherche rythmée. La salle du fond, cabinet de curiosité où l’on trouve des lapins en plein coït ou une canette écrasée, rappelle la diversité des objets Place du jeu de balle ; des fragments vitaux transcendant l’Histoire par leur anachronisme et leur capacité à fuir la structure d’un cadre. L’esprit ne peut faire le tour de ces compositions intimes, juste en absorber les linéaments et rester ouvert à d’autres perspectives.
Un art au second degré
De ce bouillonnement résulte une confusion, selon les termes de Dubuffet, c’est de cette confusion que provient l’émulsion plastique du lieu. Art et Marges choisit le second degré sans éloigner la complexité esthétique de la figure de l’outsider : on en découvre les extrêmes vivacités et la diversité du système rétinien. La juxtaposition de ces identités singulières constitue une trame narrative serrée : prolixes ou méditatifs, les coups de crayon ne sont jamais anodins.
- Où ? Musée Art et Marges, rue Haute 314, 1000 Bruxelles
- Combien ? 4 euros / 2 euros
- Quand ? du 06 avril au 21 avril