Archibelge
Une série documentaire en trois épisodes
de Sofie Benoot, Olivier Magis et Gilles Coton
D’après l’idée originale de Gilles Coton, Archibelge est une série documentaire en trois épisodes d’une cinquantaine de minutes réalisée par Sofie Benoot et Olivier Magis. Avec une musique douce à la fois tendre et mélancolique (Daniel Offerman), les documentaires nous offrent une vision sur le pourquoi de l’intrigante urbanisation belge mais aussi sur le comment de son avenir. Des témoignages prenants nous font voyager à l’intérieur même d’un pays qui a commis des erreurs impardonnables mais également, à qui on laisse rarement la chance d’être reconnu comme beau et doté d’une richesse culturelle intense. Pourquoi l’urbanisation belge est-elle aussi hétéroclite ? Pourra-t-on continuer ainsi dans cet amalgame ? Ces documentaires nous livrent des réponses pour le meilleur, comme pour le pire…
Bruxelles ou la quête d’identité
par Olivier Magis
Bruxelles est très souvent injustement considérée comme une ville dangereuse et polluée où il est courant d’y travailler mais inimaginable d’y habiter. Très vite, le documentaire annonce la couleur en reprenant en quelques mots les dires de l’architecte Renaat Baem : » La Belgique, c’est un patchwork assemblé par un fou, bricolé à partir de Dieu sait quels détritus ». On ne peut le nier, la capitale belge est d’un style d’une extrême laideur. Du moins, elle paraît laide de l’extérieur. Car une ville est vivante. Et, tout comme une personne, elle gagne à être connue et surtout comprise. Comprendre Bruxelles, c’est un peu le but de ce documentaire doux, mélancolique, tantôt effrayant, tantôt amusant. On évoque Léopold II, dessinateur de la ville, aux origines allemandes et françaises et à l’éducation quelque peu anglaise. On raconte la folie des inspirations parisienne et américaine qui ont peu à peu ajouté à la ville une odeur de capitalisme et un semblant de progrès, au détriment de ses habitants.
Dans un espoir de grandeur, de nombreuses constructions ont offert à Bruxelles une place dans les taux de bâtiments inoccupés les plus élevés d’Europe. On comprend peu à peu d’où vient ce terrible défaut attribué à Bruxelles : c’est une ville sans identité. Quand on se trouve au centre de la capitale, on ne sait pas trop où l’on est. On se trouve dans une accumulation de traces qui se superposent au fil du temps, en plein cœur d’une multiculturalité, dans une » ville bricolage « . Cette triste absence de personnalité fait justement de Bruxelles une ville authentique où la différence est à chaque coin de rue. Tout avance à Bruxelles, l’époque est révolue plus vite qu’on ne le croit. Tout reste donc possible, imaginable et modelable. Bruxelles est une ville chaude que les citoyens sont capables de construire. Bruxelles est une ville vivante où des groupes combinent leurs énergies pour préserver ou fabriquer de toute main leurs petits coins de paradis. Bruxelles est, au final, un cœur à prendre, attendant simplement que l’on réalise nos rêves à travers elle dans un projet d’avenir meilleur, social et durable.
Vue sur mer
par Sofie Benoot
Malgré l’exiguë taille de notre littoral, il est dans notre nature d’être profondément attiré par la mer. Malgré son climat rude, la mer nous fascine. Elle fait partie de nous par sa présence dans nos souvenirs heureux d’enfance. S’y mélangent des rires, des odeurs distinctes pour chacun et surtout, la vision réconfortante d’une famille dans un cadre de toute splendeur. Le documentaire montre à quel point cette fascination nous rend aveugle. Cette nature a peu à peu été saccagée par un va-et-vient de constructions et de démolitions pour laisser place à une multitude d’immeubles loués aux touristes ou achetés par des amoureux du lieu avec l’attrayante publicité : « vue sur mer ».
Cette phrase aussi banale soit-elle, attire le regard et nous rend euphorique. C’est l’affaire du siècle ! Vivre une semaine avec cette vue ne peut être qu’une expérience magique, finir ma vie avec cette vue ne pourra que me faire mourir heureux. Derrière la fenêtre, on ne voit plus la laideur du béton, on se trouve simplement face à la beauté de l’immensité. Il se cache également une expérience de voyeurisme. Il est aisé de passer son temps à observer des touristes charmés par la beauté de l’horizon, oubliant ainsi la laideur du côté opposé. Et, quand la nuit vient, ce luxe de vue tellement privilégiée s’éteint. Il ne reste plus que l’effrayant néant. On aime tant la mer, qu’on a détruit sa côte. On aime tant la mer qu’on aimerait, à l’avenir, construire sur elle, pour, au finir, la détruire à son tour. Avons-nous réellement oublié que la nature reprendrait de toute façon ses droits ?
La chaussée
Par Sofie Benoot
Le « rêve double » du belge se caractérise par son désir de vivre en milieu rural tout en pouvant accéder rapidement à la vie citadine quand lui vient l’envie. La chaussée offre donc à ses habitants, le luxe d’un semblant de campagne et le confort de grands commerces à proximité. Pour tenter de comprendre l’origine des choses, nous remontons dans le passé, plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale quand la loi De Taye a été appliquée pour loger la population et inciter à construire. Mise à part cette cause historique, d’autres faits ont causé ce type d’urbanisation comme la religion ou encore le risque politique de laisser vivre les ouvriers en ville, là où l’influence socialiste était la plus élevée.
Le rêve du belge est aussi celui de l’individualisme qui sera vanté dans la vie sur la chaussée mais en réalité très contrôlé pour pouvoir se conformer à l’esthétisme du voisinage. Et quand le belge se rendra compte que son petit coin de paradis se transforme peu à peu en une nouvelle ville remplie de routes nationales, de bruits et de paysages privatisés, il regrettera d’avoir choisi l’individualisme, autrefois recherché, au profit d’un collectivisme. En effet, sur la chaussée, les espaces de rencontres sont plus difficiles à trouver et il faut parfois prendre le volant de sa voiture pour rendre visite au voisin d’en face. Les magasins peuvent cependant se faire remarquer, bien plus qu’en ville. En effet, sur la chaussée tous les moyens sont bons pour attirer le regard des automobilistes tels que des tours publicitaires et des couleurs éclatantes. Une chose est certaine, ce documentaire nous montre que ce modèle de densification ne pourra plus continuer éternellement. Quelle solution confortable va-t-on trouver pour les générations à venir ?