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    Andromaque, un spectacle vibrant qui donne vie à la langue de Racine 

    Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque qui cherche à protéger son fils tout en restant fidèle à la mémoire de son mari : telle est la trame passionnelle et tortueuse de cette tragédie racinienne où l’amour, la haine et la vengeance s’entremêlent tissant un destin funeste à ces héros. Andromaque, veuve d’Hector tué au combat durant la guerre de Troie par Achille et désormais prisonnière de Pyrrhus, est déchirée. Astyanax, fruit de son amour défunt, est le dernier vestige de son monde détruit. Mais les fantômes de Troie hantent toujours les lieux : les Grecs veulent à présent la peau du fils d’Hector pour éteindre à jamais la lignée troyenne. C’est Oreste, l’amoureux transi d’Hermione promise à Pyrrhus, qui est le messager de cette fatalité.

    Avec une virtuosité remarquable de la langue et du mouvement, la compagnie de Michael Delaunoy, l’Envers du théâtre, s’empare, dans une coproduction avec le théâtre Le Public, de ce cercle infernal des amours impossibles, où les héros sont à la fois bourreaux et victimes, ballotés par leurs destins et leurs pulsions contradictoires, et ne peuvent que souffrir.

    La gardienne de la mémoire

    Au milieu de ce chaos, Andromaque combat avec vaillance l’ennemi, hantée par le spectre de Troie. Sa fidélité à son époux et à son peuple est inébranlable, et la demande en mariage de Pyrrhus, le fils d’Achille, en échange de la vie de son fils, lui apparaît comme une profanation de la mémoire de ceux qu’elle a perdus. A l’instar d’Antigone, Andromaque est une haute figure de résistance féminine où la trahison des siens n’est pas de mise. Elle porte en elle à jamais les stigmates du génocide de son peuple.

    Une mise en scène organique et épurée

    En rupture avec une vision classique statique, Michael Delaunoy propose une mise en scène d’Andromaque organique, physique. L’introduction de la danse au tout début du spectacle souligne l’importance du corps dans l’expression des passions incandescentes de Racine, créant un jeu contrasté de mouvements et de rythmes qui donne vie à ce texte sublime. Sur la scène, quelques cubes faisant office de ruines, de murailles détruites, et des gravats composés de particules noires de plastique jonchent le sol. Une mise en scène épurée, avec très peu d’accessoires pour mieux faire entendre les vers ciselés de Racine. 

    Des comédiens portant très haut l’art du jeu

    Le texte est d’ailleurs sublimé par les huit comédiens qui donnent toute leur plénitude à ces alexandrins. Myriem Akheddiou incarne avec une justesse saisissante la mère convoitée et déracinée, tandis que la troublante Jeanne Kacenelenbogen dans la peau d’Hermione ourdit sa vengeance avec une intensité palpable. Manipulant Oreste (un Arthur Moulin flamboyant), elle l’enflamme de sa passion et le fait sombrer dans la folie. Quant à Pyrrhus (Clément Manuel), il est touchant en roi d’Epire et fils d’Achille, pris au cœur d’un dilemme, « je meurs si je vous perds : mais je meurs aussi si j’attends ». Pas facile d’épouser la belle captive troyenne alors que le peuple grec réclame la mort de son fils Astyanax. Son désir pour elle est si intense, si vertigineux, c’est à en perdre la raison.

    Andromaque nous plonge au cœur des souffrances engendrées par les conflits, révélant l’inévitable spirale de la violence. Les ravages des guerres, les blessures qu’elles infligent et l’éternel cycle de la vengeance résonnent malheureusement toujours avec notre triste actualité.

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