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    Amour sur place ou à emporter

    Elle, belle, charmante, souriante, envoutante et excellente comédienne. Lui, charmeur, jovial, amical, comique et prodigieux humoriste. Deux talents de la scène parisienne, deux amis dans la vie qui se sont donnés rendez-vous sur scène avec leur spectacle : Amour sur place ou à emporter.

    Pour la première fois depuis deux ans, les deux artistes se produiront en Belgique le 17 décembre prochain, au Centre Culturel d’Auderghem, pour le plus grand bonheur du public belge. Une pièce pleine d’humour et de vérités à ne manquer sous aucun prétexte.

    Rencontre avec Amelle Chahbi et Noom Diawara, les deux comédiens de ce « street boulevard » qui a déjà charmé plus de 200.000 français.

    C’est votre première représentation en Belgique. De ce fait, il faut bien avouer que peu de personnes vous connaissent ici. Qu’est-ce que cela vous fait de vous présenter devant le public belge ? Appréhendez-vous le moment ?

    Amelle Chahbi : Non, car nous avons tous les deux déjà travaillé en Belgique au Comedy Club, au Cirque Royal, à Louvain-La-Neuve, à Liège, etc. Du coup, nous savons que le public belge est très chaleureux, très réceptif. Bon, évidemment, nous ne savons pas quel accueil le public réservera à ce spectacle en particulier, mais nous supposons que cela se passera bien. Via les réseaux sociaux et les mails que nous recevons, nous savions qu’il y avait une demande en Belgique. Beaucoup de belges nous suivent et demandent à ce que l’on vienne jouer ici.

    Dès lors, est-ce grâce à cette demande du public que vous avez décidé de faire une date à Bruxelles ?

    A.C. : Oui, tout à fait. Maintenant, il y a tout un travail derrière. D’abord, on voit si les promoteurs pensent que le spectacle peut plaire. Ce qui a été le cas, puisque l’on nous a répondu : «Pas de souci, on vous attend !».

    Comment vous-êtes vous rencontrés ?

    Noom Diawara : Au Jamel Comedy Club mais aussi avant. Nous faisions partie d’un même collectif d’artistes. À cette époque, nous faisions du stand-up dans la même troupe.

    Qu’est-ce qui vous a poussé ou donné l’envie d’écrire et de jouer une pièce humoristique à deux ?

    A.C. : En fait, nous en avions un peu marre de faire du stand-up chacun de notre côté. On s’est dit : « Pourquoi ne pas proposer autre chose que du stand-up? ». Alors, bien évidemment, il y a beaucoup d’autres formes de spectacles auxquels nous avons assistés, mais aucun d’eux ne nous parlait vraiment. De la comédie musicale à Londres à la Comédie Française, nous ne trouvions pas un entre-deux plus funky et générationnel. Là, on s’est dit qu’il y avait un créneau à prendre.

    N.D. : Tout à fait, on sentait tout doucement que nous arrivions au bout de ce que nous pouvions faire en stand-up. Au lieu de raconter des anecdotes, nous voulions raconter une histoire. De plus, nous souhaitions nous diriger vers la comédie romantique, un thème assez peu présent dans les pièces de théâtre. Il en existait quelques-unes mais elles nous paraissaient déclassées, trop vieilles. Même si elles étaient très bien, celles-ci ne nous ressemblaient pas, ne nous parlaient pas directement.

    A.C. : Donc, nous l’avons créée !

    Combien de temps avez-vous mis pour écrire cette pièce ?

    A.C. : Le squelette était écrit en trois mois, je pense. Après, il fallait y ajouter les blagues et tester le tout. Globalement, cela nous a pris une petite année.

    Amour sur place ou à emporter, c’est l’histoire d’un jeune couple qui s’est rencontré via internet. Un couple aux allures banales mais que pourtant beaucoup de points opposent. Vous jouez avec ces divergences dans la pièce. À l’écriture, n’avez-vous pas eu peur de tomber dans la dualité homme-femme maintes et maintes fois abordée au théâtre ?

    A.C. : Nous n’avons rien inventé, ça c’est clair mais nous avons actualisé.

    N.D. : J’acquiesce ! (rires) Effectivement, nous n’avons rien inventé, des comédies sentimentales, cela a toujours existé. Seulement, comme on l’a déjà dit, cela ne nous parlait pas. Il fallait parler à un public âgé de 15 à 35 ans au départ. Nous l’avons rendu plus moderne, plus accessible et, surtout, nous y avons intégré les codes d’aujourd’hui.

    A.C. : C’est ce qui fait la différence, et c’est là-dessus que l’on se démarque des autres histoires similaires. Même si le sujet est vieux comme le monde, il est mis au goût du jour. Nous l’avons pris sous un autre angle.

    Par exemple, sous le couvert de cette histoire d’amour assez banale, nous traitons d’autres sujets beaucoup plus sérieux comme le racisme entre deux minorités. On dit souvent les blancs n’aiment pas les arabes et les noirs. D’une part, ce n’est pas toujours le cas et d’autre part, il faut savoir qu’il existe les mêmes problèmes entre les immigrés eux-mêmes.

    N.D. : C’est même parfois pire.

    A.C. : C’est clair. On peut entendre des horreurs entre les noirs et les arabes par exemple. C’est pourquoi, nous avions vraiment envie d’en parler mais sur le ton de l’humour. On parle de la contraception, de la paranoïa de l’immigré et de plein d’autres choses.

    Justement, pensez-vous qu’il est plus aisé de se moquer des stéréotypes culturels lorsque l’on est soi-même d’origine étrangère ?

    A.C. : C’est certain. De la bouche d’un blanc lambda…

    N.D. : Ou pire d’un chinois ! (rires) Non, en fait, je pense que l’on a une légitimité. Il faut avouer qu’au départ, nous n’étions pas partis dans l’idée du communautarisme. Mais à un moment donné, nous nous sommes dit que cette confrontation culturelle était une réalité du quotidien. Mon frère est marié avec une algérienne et des tensions culturelles existent. Evidemment, la scène qui parle d’intolérance est celle qui est présentée à la télévision mais c’est la seule scène où on y va à coeur joie dans les clichés. C’est d’ailleurs celle que nous avons écrite en dernier.

    Pourquoi cette scène est là ? Pour montrer la bêtise du racisme et des clichés qui vont avec.

    A.C. : Oui. Et les phrases que nous lançons dans cette partie du spectacle sont des phrases que nous avons tous déjà entendues.

    Votre pièce est une véritable consécration au théâtre du Gymnase à Paris avec plus de 200.000 spectateurs. Des retours que vous avez eus, personne ne s’est offusqué de vos propos ?

    A.C. : Non, car ils viennent pour la plupart en connaissance de cause. D’autant que l’accroche du spectacle est justement la scène la plus trash.

    N.D. : Maintenant, les gens ne retiennent pas cela, ils retiennent principalement l’histoire d’amour en nous disant avoir déjà vécu ce qu’ils ont vu.

    A.C. : Oui car, hormis les différences ethniques, la pièce parle d’amour, ce qui parle à tout le monde.

    N.D. : Attention, car nous parlons depuis cinq minutes de la scène de racisme, mais sans cette scène, la pièce aurait aussi bien marchée et aurait pu être jouée par deux acteurs blancs.

    A.C. : Un flamand et un wallon par exemple. (rires)

    Pourquoi avoir choisi comme titre Amour sur place ou à emporter ?

    A.C. : Cela fait partie du côté actuel de la pièce. L’effet fast-food. C’est la rencontre de deux jeunes gens, vont-ils rester ensemble ou pas ? Mais c’est aussi l’idée du moment, on consomme un amour puis on le jette aussitôt. Du temps de nos parents, il n’y avait pas de fast-food amoureux, beaucoup d’entre eux restaient 30 ans ensemble même s’il y avait des embrouilles dans le couple. C’était beau cet amour-là. Maintenant, ce n’est plus le cas ou c’est plus difficile.

    N.D. : Un mariage sur deux finit en divorce aujourd’hui. C’est triste !

    Alors, il faut aussi savoir que ce n’était pas un titre prédéfini. À l’époque, nous hésitions entre trois titres et nous avons demandé aux internautes de choisir entre ceux-ci. Et c’est Amour sur place ou à emporter qui a été retenu.

    A.C. : Effectivement, nous interagissons énormément avec le public sur les réseaux sociaux et sur le net. Même concernant le sketch en lui-même.

    Toujours concernant l’écriture, était-il difficile de garder un jeu d’acteur équitable ? Que l’un ne fasse pas d’ombre à l’autre.

    N.D. : Non, cela s’est fait naturellement. En fait, tout au long de la pièce, les personnages se renvoient mutuellement la balle donc cela s’équilibrait un peu comme un match.

    A.C. : Je suis d’accord avec Noom, cela s’est fait naturellement. Maintenant, nous ne nous sommes jamais posés la question lors de l’écriture.

    Au détour d’un programme télévisé, j’ai constaté que Sabrina Ouazani interprétait dorénavant votre rôle. Comment cela se passe ? Vous alternez régulièrement suivant les agendas de chacun ou vous avez pour objectif de vous faire complètement remplacer dans le rôle ?

    N.D. : On reprend mon rôle également. Oumar Diaw et Sabrina Ouazani reprennent tous les deux nos rôles respectifs. Car les pièces s’enchainent et cela fonctionne tellement bien que nous avions besoin d’eux.

    A.C. : Puis cela nous permet de faire une tournée, comme ici en Belgique. À côté, cela nous a permis d’adapter la pièce au cinéma cet été.

    N.D. : Pour vous, la pièce est nouvelle mais de notre point de vue, cela fait déjà trois ans que nous jouons la pièce et, même si nous adorons la jouer encore et encore, nous ne pouvons pas rester éternellement cloisonnés là-dedans à l’avenir.

    A.C. : Nous vous préparons plein d’autres surprises.

    Pour nos lecteurs français, vous allez faire une tournée en France si je comprends bien ?

    A.C. : Tout à fait. Elle a démarré le 10 octobre et se terminera fin décembre. Nous passerons partout en France, en Belgique, en Suisse et au Canada peut-être en juillet.

    N.D. : Nous adorons jouer au Québec. Nous avions déjà joué deux fois une partie du spectacle devant 3000 personnes là-bas et cela avait super bien fonctionné. Du coup, ils veulent en voir plus.

    A.C. : Au Canada, c’est un public très réceptif. Mais attention, soit ils t’aiment soit ils ne t’aiment pas. C’est plus marqué que chez nous.

    N.D. : Oui, et nous devons également adapter le texte. Mettre des blagues et des vannes qui leur parlent.

    Comment cela ? Concernant l’immigration par exemple ?

    N.D. : Oui, au Canada, les arabes ce sont des terroristes, c’est la seule image qu’ils en ont vu qu’ils n’en voient pas. Pour eux, c’est Ben Laden et sa famille. (rires) Non, plus sérieusement, il faut prendre l’exemple des africains. Chez eux, il n’y a pas beaucoup d’africains, ce sont plus des Haïtiens. Et un Haïtien a d’autres codes qu’un africain. Par exemple, la polygamie ne leur parle pas.

    A.C. : C’est pour cela que nous partirons cinq jours avant pour retravailler un peu le spectacle.

    Quel agenda ! Dès lors, vous avez abandonné le one man show ?

    A.C. : Moi oui, mais Noom continue le stand-up parce qu’il aime cela, c’est dans son sang.

    N.D. : Oui, j’adore ça. Partout où il faut jouer, je viens jouer.

    Vous parliez d’une adaptation cinématographique. Où cela en est-il?

    A.C. : Mais c’est déjà fait. On ne dort pas nous qu’est-ce que vous croyez ? (rires)

    Et qui sera au casting ?

    A.C. : Alors, nous avons voulu prendre des fraîcheurs. C’était très important pour nous de voir d’autres visages, de ne pas prendre des gens connus pour avoir de grands noms sur l’affiche. Nous avons fait un grand casting avec Noom et nous avons choisi des acteurs qui n’étaient pas forcément connus mais qui étaient faits pour ce film. Aude Pépin et Pablo Pauly seront présents par exemple. On ne les connait pas encore bien mais ce sont réellement les acteurs de demain. Puis, il y a eu une alchimie géniale.

    Il y a des guests également comme Fabrice Eboué, Claudia Tagbo et d’autres. Mais ce ne sont que des guests. Les gros rôles sont tenus par des acteurs de la scène émergente.

    La sortie du film est prévue pour quelle date ?

    A.C. : Printemps 2014. Donc, nous te reverrons certainement à ce moment-là.

    Amour sur place ou à emporter sera joué au Centre Culturel d’Auderghem le 17 décembre prochain. Plus d’informations sur les places en cliquant ici.

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.
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