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    « Allende, mon grand-père », Salvador avant Allende

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    Allende, mon grand-père

    de Marcia Tambutti Allende

    Documentaire

    Sorti le 19 octobre 2016

    Le 11 septembre 1973, un Coup d’État militaire éclatait au Chili, mettant fin au rêve du président socialiste Salvador Allende et inaugurant une dictature qui durera jusqu’au début des années 1990. Au cours de ces évènements, la Moneda, le palais présidentiel chilien, fut assiégé et Salvador Allende mit fin à ses jours.

    Ce triste jour de 1973 est resté gravé dans les mémoires et fit souvent l’objet de films (Il pleut sur Santiago, Helvio Soto, 1975 ; Salvador Allende, Patricio Guzmán, 2004), livres ou pièces musicales (notamment la célèbre – et superbe – bande originale du film Il pleut sur Santiago, composée par le bandonéoniste argentin Astor Piazzolla). La figure de Salvador Allende elle-même divise toujours la société chilienne. Mais plus encore, cette figure est devenue un modèle pour les socialistes du monde entier. C’est en somme l’histoire des rêves et des utopies mortes au bout du canon que l’histoire du 11 septembre 1973. Quatre ans plus tard, Léo Ferré écrivait par exemple une chanson consacrée à l’Homme d’État chilien : « (…) Quand il y aura des mots plus forts que les canons/Ceux qui tonnent déjà dans nos mémoires brèves/Quand les tyrans tireurs tireront sur nos rêves/Parce que de nos rêves lèvera la moisson (…) Alors, nous irons réveiller Allende ».

    Dans cette longue tradition artistique vient s’inscrire le documentaire Allende, mon grand-père, cette fois réalisé par la petite fille de l’Homme politique, Marcia Tambutti Allende. Dès le départ, le ton est donné et la voix-off déclare : « Pour moi, il était une image fixe (…) je n’ai jamais entendu personne le critiquer (…) je ne l’imaginais même pas en chair et en os ». Âgée de seulement deux ans lors du Coup d’État d’Augusto Pinochet, la réalisatrice confesse n’avoir aucun souvenir de son Chicho. C’est pourquoi elle a entamé la réalisation de ce film qui fait dès lors également office de cheminement personnel. La plupart des objets et photos appartenant à la famille Allende ayant été détruits ou volés le 11 septembre 1973, Marcia Tambutti Allende cherchera alors à reconstruire une mémoire familiale sur base de rencontres, de recherches et de témoignages. Elle cherchera à savoir comment était la famille Allende avant Salvador…

    Dans cette dynamique, elle se heurtera cependant presque tout au long du film à un silence qui minera sa progression. Le spectateur aura ainsi souvent l’impression que le film tout entier ne mène nulle part, tant la famille s’enferme dans sa propre omerta. À certains moments, le film ira jusqu’à créer un certain embarras chez l’observateur externe, tant l’acharnement de la réalisatrice à faire parler son entourage contre son gré sera poussé. Ce manque de limites ira parfois jusqu’à une certaine forme d’indécence, Marcia Tambutti mettant à l’honneur sa grand-mère Tencha – Hortensia Allende, la veuve du défunt président, alors nonagénaire. Nous verrons ainsi celle-ci alitée, faible et en souffrance à l’idée de ressasser les souvenirs liés aux derniers mois de la vie de son époux (et de leur fille), image peu agréable lorsqu’on sait quelle femme forte celle-ci avait pu être dans ses jeunes années. Il semble au final que la réalisatrice cherche surtout à faire un film sur elle-même. Au cours de sa progression, elle posera d’ailleurs la question : « Qu’est-ce que je cherche ? La sérénité ? » De ce point de vue, le film peut donc décevoir, car on s’attend à regarder un documentaire présentant Allende en tant qu’homme de famille pour finalement découvrir que la famille elle-même a peu de choses à nous apprendre sur le sujet, et le film se transforme alors en psychanalyse de Marcia Tambutti Allende.

    Néanmoins, abstraction faite de cela, certaines qualités ressortent du documentaire. Avant toute chose, on apprend des éléments peu connus du grand public concernant Salvador Allende, « incarnation physique d’un projet mystique au potentiel libérateur sans bornes ». D’abord, on découvre le revers de la médaille de l’homme, apparemment friand de jolies femmes et ayant eu plusieurs maîtresses. Ou encore, élément extrêmement amusant, des morceaux d’une « pièce de théâtre » à laquelle le président chilien s’était livré avec des amis dans son jeune temps seront présentés. Le film reviendra également sur l’exhumation du corps présidentiel, confirmant la thèse du suicide longtemps remise en question.

    Mais le plus intéressant – malheureusement peu exploité – est le cheminement de la famille, exilée à partir de 1973 jusque 1989 et, avec ça, les cicatrices de la parentèle Allende. Le documentaire revient ainsi sur le suicide de Beatriz, la fille du président, s’étant donnée la mort en 1977. À travers cela, le spectateur peut observer les conséquences dévastatrices du Coup non plus sur l’état chilien mais sur le microcosme familial dont était issu le chef de cet état. C’est là la plus grande qualité du film !

    Allende, mon grand-père soulève donc des questions et problématiques très intéressantes sans toujours être capable de se concentrer dessus. Dès lors, le film ne parvient pas à se démarquer véritablement du reste de la production liée aux évènements de l’année 1973. Il n’en reste cependant pas moins un film intéressant pour toute personne cherchant à découvrir (même partiellement) d’autres facettes de la personnalité de Salvador Allende.

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