Titre : Autobiographie d’une femme sexuellement émancipée
Autrice : Alexandra Kollontaï
Editions : Fayard
Collection : 1001 nuits
Date de parution : 6 mars 2024
Genre : Autobiographie
Alexandra Kollontaï (1872-1952) s’est battue pour le droit des femmes au travail, celles des couches populaires, elle qui était contre les suffragettes qu’elle qualifiait de « bourgeoises ». Pourtant, Kollontaï elle-même provenait d’une famille riche et cultivée, qui lui offrit une éducation privée aux mains de Marie Strakhova, préceptrice nourrissant des idées révolutionnaires. Sa prise de conscience marxiste arrivera très vite, et par-delà les transformations qui parcourent la Russie d’alors, elle n’aura de cesse, partout où elle vivra, de combattre contre la guerre et pour son pays, à côté des noms que l’Histoire (écrite par des hommes ?) aura retenu, Lénine et Staline, et puis pour l’émancipation des femmes.
Comment résumer cette vie en une soixantaine de pages (le livre étant composé d’une préface, d’une introduction et d’une postface, 115 pages au total) ? Kollontaï était aussi une romancière, et elle aurait écrit cinq autobiographies. Réfugiée politique en Europe et en Amérique, victime de campagne de haine contre sa personne (« Je devais souvent sauter des tramways en marche avant que les gens ne me reconnaissent »), sa vie est si rocambolesque et complexe qu’il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. C’est l’autobiographie de 1926 que nous lisons ici, qui s’arrête après son exil forcé en Norvège, elle qui revenait cependant en Russie dès qu’elle le pouvait. Ce récit s’axe principalement sur ses mérites d’oratrice indéniables et son destin unique de femme de pouvoir dans un monde politique très masculin.
Le titre de l’ouvrage est donc relativement trompeur. Vous n’apprendrez pas grand-chose de l’amour libre ou de la sexualité réelle de Kollontaï. Pourtant, elle aura vécu sa vie comme elle l’entendait, quittant très vite son mari et son enfant en bas âge, désireuse d’aller apprendre dans une université en Suisse. Elle eut quelques amants, camarades de lutte, qu’elle quittera dès qu’ils essayeront de la calmer ou de lui mettre le grappin dessus (« Voilà notre erreur : chaque fois nous succombions à la croyance que nous avions enfin trouvé l’homme que nous aimions, l’unique »). Cependant, le livre n’est pas prolixe en détails, sa vie intime passe après la grande histoire, la vie politique et le combat des femmes pour le travail.
La préface d’Hélène Carrère d’Encausse de l’Académie française et la postface de Christine Fauré, directrice de recherche émérite au CNRS apportent des précisions utiles à l’ensemble. La partie écrite par Kollontaï n’est pas des plus digestes, quasiment aucune annexe n’agrémentant l’ouvrage de compléments informatifs. Pour documenter cette époque tumultueuse politiquement, un résumé succinct sur le bolchevisme ou le coup d’État de 1917 n’aurait pas été de trop. Comme c’est la partie non-censurée de l’autobiographie qui est publiée, une série de notes un peu foutraques rend compte des changements d’écriture entre différentes versions.
C’est donc un livre intéressant qui ouvre le sujet et donne envie d’en savoir plus sur cette vie incroyable de ténacité qu’a vécu cette femme, Alexandra Kollontaï, seule opposante politique que Staline ne fit pas tuer.