Mise en scène de Ossama Halal, avec Antoine Bouguier, Amer Albarzawi, Bassam Abu Diab, Hamza Hamadeh, Rawya ElChab, Sara Zein, Stéphanie Kayal. Du 11 au 14/10/2017 au Théâtre National.
Le Koon Theatrer Group propose une création originale, qui donne envie de suivre ce collectif composé d’artistes libanais, syriens et français dans leurs prochaines aventures.
La terrible actualité syrienne et la dureté de l’exil, que le metteur en scène et certains comédiens ont connu, nourrit largement et singulièrement Above Zero, où l’on évoque la torture, les camps de réfugiés, les pendaisons. Mais l’ambition ne semble pas à proprement parler documentaire. Il s’agit plutôt de faire éclater ce que la peur et la guerre font au corps et ce qu’ils lui font faire.
Des ballons de basket menaçants qui frappent le sol en encerclant un jeune homme hagard ; d’austères lits de fer sous lesquels vogue un bateau de papier, guidé par une main inquiète ; des bras tendus imitant les ailes sifflantes d’un avion militaire : Above Zero est double, habité autant par les forces brutales qui claquent, cognent et assourdissent que par les êtres hébétés cherchant leur survie. Dans les tableaux qui composent la pièce, on se heurte, on s’insulte, on s’égorge, et on tente d’échapper à la violence et à la panique par la fuite ou le refuge, l’escalade de lits ou de grilles, les cachettes. On devient fou, aussi : le langage se perd, les corps se recouvrent entièrement de mousse, les visages se tordent, grimacent, dans un emballement touchant parfois au grotesque. A d’autres moments, le tapage se calme, laissant la place à des monologues empreints de questions, de fureur, d’abandon, souvent inspirés de poèmes de Brecht.
Certes, il y a dans Above Zero de petites maladresses et des accrocs, des images au symbolisme parfois trop clair, un rythme un peu inégal, une insistance qui peut atténuer la force des idées et des trouvailles. Mais l’imagination visuelle, l’urgence, le désir sont palpables et lui insufflent une vitalité donnant lieu à certaines scènes saisissantes. C’est à la fois excessif et sec, très physique et lyrique, prosaïque et énigmatique, comme s’il fallait pour écrire, danser, chorégraphier cet état de guerre faire tenir ensemble, en les entrechoquant, toutes les dimensions de l’homme qu’il bouleverse. Les poèmes, notamment ceux de la jeune et très douée poétesse palestinienne Farah Chamma, réussissent avec une beauté soufflante à faire jouer ensemble la violence et la grâce, le cri de dénonciation et les vibrations énigmatiques d’une langue fracassante. De la scénographie, de la lumière, du son, des voix, se dégagent ainsi une puissance et une matérialité brutes, nécessaires, pauvres comme l’est l’Arte povera : puisant dans les choses les plus fragiles et non encore détruites la source de l’acte créateur le plus radical, le plus libre, le plus vivant.