Alors que la sortie de Black fait couler beaucoup d’encre, tant pour la qualité du film que pour ses problèmes de distribution, nous sommes partis à la rencontre des deux protagonistes principaux du film, Martha Canga Antonio (alias Mavela) et Aboubakr Bensaihi (alias Marwan).
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Que faisiez-vous avant le film ?
Martha : J’ai toujours écrit des poèmes et du slam, je suis aussi dans un groupe. J’allais à l’école et je faisais de la musique.
Aboubakr : Je fais du rap depuis à peu près 2009, j’écris, je fais des chansons. Je travaille avec un ami, on a un studio à la maison où j’écris et j’enregistre. Mais depuis peu, j’ai commencé le théâtre.
Comment s’est déroulé le casting ?
Martha : La plupart des comédiens ont été trouvés via du street casting, mais pas nous.
Pour ma part, j’avais lu le livre. Ensuite, j’ai appris qu’ils allaient en faire un film. Je n’avais pas d’expérience mais j’ai tout de suite bondi dessus. Même si c’était pour un tout petit rôle, j’avais tellement aimé le livre que je voulais absolument participer au film.
Lors du casting, j’ai tout donné. J’étais à côté d’une fille qui avait déjà de l’expérience dans le théâtre, je me suis dit que si je donnais pas tout à ce moment-là, c’était perdu.
Aboubakr : Les deux réalisateurs étaient passés à mon l’école, puis ils m’ont envoyé vers l’agence de casting et après quelques rappels, j’ai été pris. Je n’avais jamais fait de comédie avant, mais ça a toujours été un rêve en fait. Et cela m’a tout de suite plu.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le livre ?
Martha : Il est différent. C’est très rare de lire un livre belge avec ce genre d’histoire, ce genre de personnages, qui se passe vraiment à Bruxelles. Les livres racontent souvent les mêmes histoires, ont les même visions et les mêmes personnages. J’aime bien les choses qui me choquent, qui m’inspirent et j’aime bien choquer et inspirer.
Avez-vous fait des recherches pour vos personnages ? Comment avez-vous trouvé le métier d’acteur ?
Aboubakr : Je viens de Molenbeek comme Marwan – mon personnage – et je regardais les gens différemment, je les observais. Cela m’a permis de trouver le rôle. Après, on a eu pas mal de répétitions qui m’ont beaucoup aidé pour rentrer dans le personnage.
Martha : Le métier est très intense par moment mais qu’on ait de l’entraînement ou pas, il faut être très fort mentalement pour faire la part des choses. Il faut savoir tout donner sur le plateau, mais aussi tout laisser à la fin de la journée pour redevenir soi-même.
Aboubakr : C’est un film de fou, surtout à la fin. De l’émotion pure.
Martha : Nous étions totalement dans le film et quand nous l’avons vu, nous avons été choqués.
Comment se sont passées les répétitions ?
Martha : Il y avait beaucoup d’improvisation. On connaissait le scénario et les réalisateurs nous disaient ce qu’ils voulaient, mais c’était à nous de trouver comment le leur donner. On essayait et ils nous disaient si ça allait et comment fignoler. On avait beaucoup de liberté.
Aboubakr : On construisait les scènes comme un bâtiment, petit à petit en commençant par les bases.
Ce n’était pas trop déroutant comme méthode de travail pour un premier film ?
Martha : Je pense que c’est la meilleure manière, surtout pour un premier film. Comme on avait de la liberté, cela nous permettait d’essayer et de découvrir des choses, d’expérimenter.
Aboubakr : Si on avait été limités à faire quelque chose, on n’aurait pas pu faire plus. Alors qu’avec plus de liberté, on a pu découvrir nos limites, on a eu plus d’opportunités pour trouver des moments forts. Cela nous a aussi permis d’injecter notre vision des personnages. On pouvait proposer des idées et les réalisateurs étaient toujours ouverts à ça.
Martha : Cela va aussi nous permettre de travailler avec des réalisateurs différents. Qu’ils soient structurés ou plus en faveur de l’improvisation, on a fait un peu des deux. On ne sera pas trop dépaysés.
Comment était-ce de travailler avec deux réalisateurs ?
Aboubakr : Je pense que c’était mieux, il y avait plus d’idées.
Martha : Ils ont des façons différentes d’expliquer les choses. Ils savent ce qu’ils veulent mais parfois ils ont du mal à l’expliquer. Comme ils sont deux, ça nous rend les choses plus faciles. C’était bien d’avoir deux cerveaux…
Aboubakr : Et avec nous, ça faisait encore plus de cerveaux !
Que-ce qui vous a particulièrement attiré dans les personnages que vous interprétez ?
Martha : Pour moi, c’était la naïveté. Je pense que toutes les filles de cet âge passent par là. On se laisse influencer par tout, on croit qu’on sait tout, qu’on est au top. Tous les sentiments de Mavela sont extrêmes, comme les moments de frustrations par exemple, et c’est ça que j’aime bien dans le personnage. On rentre vraiment dans la tête du personnage, on a une vraie empathie pour elle. Alors quand on la voit évoluer et grandir, c’est très touchant.
Aboubakr : Mon personnage a seize ans. C’est effrayant de voir à quel point il est influençable. Il ne va pas à l’école et ce n’est pas vraiment un manque d’éducation, parce que les parents n’ont rien à voir là-dedans. Ce sont de fortes influences sur quelqu’un de naïf qui font de gros dégâts.
Vos deux personnages ont l’air de beaucoup changer au cours du film, comme on change entre 15 et 20 ans…
Aboubakr : Grâce à l’amour. Quand Marwan goûte à l’amour, il voudrait tout oublier pour construire un nouveau Marwan. Mais il y a la bande pour l’en empêcher.
Martha : Et pour eux, l’amour est quelque chose auquel ils peuvent s’accrocher. Autour d’eux tout est vague, tout va vite, ils n’ont aucun contrôle. Mais quand ils sont ensembles, ils ont l’impression qu’ils peuvent être eux-mêmes. Ils veulent s’y accrocher le plus possible.
Aboubakr : Au sein des bandes, l’amour peut être un problème. C’est mal vu, ça fait « tapette ». Comme la règle numéro cinq dans le film de 50 cent: “Ne jamais tomber amoureux”. Mais ça peut aussi être quelque chose de bien, qui nous fait changer.
Quels sont vos projets pour le futur ? Avez-vous envie de poursuivre une carrière de comédien ?
Martha : Oui. J’ai très envie de continuer.
Aboubakr : Oui, je l’ai dans la peau maintenant. Si je trouve un film aujourd’hui, je le fais. Mais j’aurai beau faire 1600 films, je n’oublierai jamais Black. Je vais le raconter à mes enfants. C’est un beau commencement, on a eu beaucoup de chance.
Martha : C’est grâce à plein de gens, tous les gens sur le plateau, tout le monde.
Aboubakr : C’est un puzzle. Si il manque une pièce, on n’avance pas. C’est grâce à toute la production.
Propos recueillis par Jan Kazimirowski