A vif !
de John Wells
Comédie, Drame
Avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Daniel Brühl
Sorti le 2 décembre 2015
Au menu du nouveau film de John Wells : de la haute gastronomie et un casting international plutôt bien relevé au service d’un scénario aux maigres saveurs.
Adam Jones (Bradley Cooper) n’est pas n’importe qui. Dans le monde de la haute cuisine, il est ce que John McEnroe, Mike Tyson et Diego Maradona étaient chacun dans leur sport respectif : une personnalité légendaire reconnue aussi bien pour son talent que pour ses frasques et son tempérament bouillonnant. L’enfant terrible du monde culinaire a fait ses classes en France comme poulain d’un grand chef cuisinier avant de se voir couronné de deux étoiles au Michelin. Grisé par le succès, il sombre très vite dans la drogue et l’alcool. Quelques années plus tard, après avoir fait pénitence dans une huîtrière à La Nouvelle Orléans, il débarque tel un cheveu dans la soupe à Londres chez ses anciens associés. Repenti mais pas tout à fait assagi, le très séduisant chef Jones retrouve vite la niaque. Il relance un restaurant londonien, s’entoure de jeunes commis et de chefs de parties talentueux pour partir à la conquête d’une troisième étoile.
Coups de sang et coups de feu, dressages minutieux d’assiettes, stress de la gestion du temps, maîtrise de la cuisson à point, deuil de la vie privée, poussées créatives… On ne peut pas reprocher au cinéaste John Wells de ne pas approcher le quotidien de l’antichambre de la cuisine gastronomique. Certaines scènes ont été tournées dans des restaurants haut de gamme de la nouvelle capitale culinaire (Delaunay, Langham Hotel). Le scénariste Steven Knight s’est même adjoint les services du chef étoilé et présentateur de Master Chef de la BBC pour obtenir un rendu plus authentique en coulisses.
Pourtant, malgré son réalisme, A vif ! ne parvient pas vraiment à nous émoustiller les papilles. Le décor et l’atmosphère ne font certes pas défaut, bien servis par une belle photographie, mais l’enjeu manque cruellement de consistance. La faute au scénario qui joue la carte éprouvée de la rédemption et des bons sentiments avec une histoire de seconde chance trop prévisible. Le passé trouble d’Adam Jones n’est pas non plus suffisamment exploité. Les casseroles qu’il traîne depuis des années sont régulièrement évoquées mais nous n’apprendrons jamais ce qu’il s’est vraiment passé à Paris.
Et ce n’est pas la batterie d’acteurs qui sauve la mise. Dans la peau d’un chef à la fois arrogant, colérique, égocentrique, méprisant, fragile et attachant, Bradley Cooper ne s’en tire pourtant pas mal du tout. Il se donne même du mal pour donner chair à son personnage gratiné. Mais le problème c’est qu’il occupe pratiquement tout le terrain. Omar Sy, Daniel Brühl, Emma Thompson, Uma Thurman, Alicia Vikander, Matthew Rhys doivent se contenter de portions congrues en matière de répliques. Sienna Miller a un peu plus à se mettre sous la dent dans le rôle d’une chef de partie mère célibataire mais le tandem qu’elle forme derrière les fourneaux avec Bradley Cooper n’est pas particulièrement exaltant. L’alchimie n’opère pas et on peine à croire que ces deux-là savent cuisiner avec passion. Cette impression de fadeur se confirme bel et bien à la fin du film. Peu inspiré, Wells opte pour un final doux-amer qui n’arrive pas à apporter plus de consistance à l’ensemble. Il évite tout au plus de lorgner trop du côté de la comédie romantique ou du film à message dont les Américains sont très friands.
Bref, malgré un casting étoilé, le cinéaste John Wells (The Company Men, Un été à Osage County) – connu pour ses personnages à la fois détestables et touchants d’humanité – livre avec A vif ! un feel good movie plaisant mais sans grande prétention.