Ecriture et mise en scène d’Emma Dante, avec Serena Barone, Elena Borgogni, Sandro Maria Campagna, Italia Carroccio, Davide Celona, Marcella Colaianni, Alessandra Fazzino, Daniela Macaluso, Leonarda Saffi, Stéphanie Taillandier
Du 24 au 27 février 2015 à 20h30 au Théâtre National
Le Sorelle Macaluso est un spectacle initiatique. Une famille se réunit pour célébrer la vie et conjurer la mort.
Dans une ouverture somptueuse, le corps agile de Marie s’élance, tourbillonne, s’arrête, respire puis saute avant de tomber sans bruit. Plongée dans l’ombre, sa famille s’avance vers elle pour l’engloutir avant de l’emmener dans la pénombre. Dans un rythme effréné et une cadence militaire, la famille (sept sœurs, un père, une mère et un neveu) resurgit pour s’aligner, corps à corps, face au public. Toute la famille est vêtue de noir, toute la famille est en deuil. La marche militaire fait ainsi place à une marche funèbre des plus touchantes.
Très vite, le registre change et les sœurs soulèvent leurs costumes sombres pour arborer des robes fleuries. Sans un signe, sans un mot, sans aucune indication, le spectateur est envahi par un nouveau lieu, un nouveau temps, où il question de gaieté et de légèreté.
Les sœurs relatent des souvenirs d’enfance en dialecte sicilien, elles plaisantent sur des moments complices de la sororité et surtout, elles racontent leur première venue à la mer.
Sous une nouvelle métamorphose, les sœurs se sont transformées en nageuses. Vêtues de maillots de bain colorés, elles se défient de rester sous l’eau le plus longtemps possible. Durant plusieurs minutes, toute la salle est, elle aussi, dans les profondeurs marines, retenant son souffle face aux performances des actrices. Ce passage est aussi le moment le plus réussi et le plus jubilatoire du spectacle : toujours alignées au corps à corps, les sœurs n’ont pas bougé d’un centimètre, elle n’ont fait qu’enlever des couches de vêtements.
C’est cela qui est le plus étonnant, cette capacité fantastique de transporter le spectateur tout en faisant du surplace. Emma Dante a ce génie d’orchestration ; elle jongle avec les temps, les lieux, les atmosphères. Elle passe du tragique au comique avec un naturel déconcertant. Elle brouille les repères sans jamais dérouter le spectateur. Au contraire, elle l’amuse, le surprend, l’émeut et le fascine dans une économie de temps et de moyens remarquables.
Photo: © Clarissa Cappellani