L’Enquête
de Vincent Garenq
Thriller
Avec Gilles Lellouche, Charles Berling, Laurent Capelluto, Florence Loiret-Caille, Christian Kmiotek
Sorti le 18 février 2015
Il y a eu, ces dernières années, une vague de films français s’attaquant à de grandes affaires judiciaires ayant marqué l’opinion publique. On a ainsi pu voir la vision de Roschdy Zem sur l’affaire Omar Raddad (Omar m’a tuer), ou encore celle de Vincent Garenq sur Outreau (Présumé coupable). Ce dernier continue sur sa lancée en s’attaquant avec L’Enquête à l’affaire Clearstream.
Sous la dénomination d’affaire Clearstream résident en réalité deux affaires distinctes mais néanmoins liées, toutes deux connectées aux agissements de la société de compensations Cleartream, située au Luxembourg, et qui est, pour simplifier, la banque des banques. La première affaire a été soulevée par le journaliste Denis Robert dès la parution de son livre Révélation$ en 2001, dans lequel il soutenait que Cleartream entretiendrait des comptes cachés par lesquels transiterait l’argent de transactions illégales à l’échelle internationale. La seconde affaire a impliqué malgré eux de nombreuses personnalités politiques – dont Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn -, citées dans de faux listings de comptes occultes gérés par Cleartream et les reliant erronément à l’affaire des frégates de Taïwan.
Le film de Vincent Garenq retrace le déroulement de ces deux affaires en les raccordant par le travail d’enquête de Denis Robert et la manipulation dont il fût également victime dans un deuxième temps. L’Enquête épouse donc complètement le point de vue du journaliste et révèle les faits au fur et à mesure que celui-ci les découvre. Si ce dispositif est pleinement un procédé de fiction, le film n’en reste pas moins une tentative de vulgarisation d’événements et de manipulations restées très obscures pour le commun des mortels. Sa démarche est donc très didactique et sa volonté de faire comprendre à ses spectateurs des enjeux complexes le classe irrémédiablement dans la catégorie des films-dossiers, dans lesquels le sujet soulevé est plus important que la manière dont il est abordé.
La fidélité du film aux faits tels qu’ils ont été révélés par les médias – sans jamais affabuler sur ce qui a bien pu se passer en sous-main et dans le secret – lui enlève aussi instantanément la prétention de se vendre comme étant engagé, puisqu’il n’apporte aucun point de vue ni aucune théorie lui étant propre. Si le portrait légèrement moqueur qu’il semble faire d’une classe politique, présentée comme une bande de fantoches impuissants, pouvait donner lieu à une charge féroce sur le système, cette piste est également tuée dans l’œuf et le défilé des intrigants et autres opportunistes vire très vite au « name dropping » sans fond. À cet égard, certaines apparitions de personnages publics, joués par des acteurs vaguement ressemblants, frôlent même le ridicule.
Si le film de Garenq peut éventuellement être envisagé comme un document sur l’affaire et revêt donc un petit intérêt historique à ce niveau-là, son application scolaire à décrire benoîtement des faits sans les commenter, ses dialogues démonstratifs uniquement destinés à expliquer quelque chose à son spectateur – façon « la finance pour les nuls » – et son absence totale de style visuel le rendent indigent en tant que film de cinéma et de fiction. On distingue bien la bonne intention de vouloir expliquer les tenants et aboutissants de tractations économiques illégales, ainsi que certaines coulisses du pouvoir. Mais au bout du compte, L’Enquête se contente de dresser un tableau global assez abscons de ce qu’il veut décrire et termine sur la bonne vieille rengaine du « tous pourris » qui gangrène le discours actuel sur la politique et dissuade les gens de s’y intéresser.