Texte de Tatiana Tolstaya, mise en scène d’Alvis Hermanis, avec Gundars Abolins, Jevgenijs Isajevs
Les 13 et 14 février 2015 au Bozar
Jouée seulement deux soirs de suite (les 13 et 14 février) au Bozar, Sonja («Sonia» en letton), du metteur en scène Alvis Hermanis, raconte l’histoire d’une femme généreuse, joviale, et surtout très naïve. Dans un décor typique de l’URSS des années 40, Hermanis réussit avec brio à dresser le portrait d’une femme complexe, le tout porté par le le jeu subtil du comédien Gundars Abolins.
La pièce s’ouvre sur un appartement vieillot de Leningrad mais empli de charme. L’appartement de Sonja ressemble à une vaste brocante des années 1950 où l’on trouve un vaisselier en bois foncé, une vieille horloge à balancier, une kyrielle de napperons en dentelle et une cuisinière à l’ancienne. Là, deux hommes dont le visage est caché sous un bas nylon fouillent la pièce de long en large. Soudain, les deux « cambrioleurs » commencent à s’approprier leur environnement. L’un enfile une robe fleurie appartenant à Sonja et se met à agir comme elle. L’autre protagoniste, quant à lui, endosse le rôle de narrateur. Douée en pâtisserie et agile aux fourneaux de manière générale, Sonja est une femme rêveuse, solitaire et candide. C’est donc sans surprise que le jour où elle reçoit une lettre d’amour anonyme d’un certain Nikolaï, elle se jette à corps perdu dans cette relation épistolaire qui finira par la conduire au bord de la folie.
Sonja est une pièce qui s’inspire de la nouvelle homonyme de l’écrivaine contemporaine russe Tatiana Tolstaïa, parente d’Alexis et Léon Tolstoï. A la fois émouvante et drôle, l’œuvre théâtrale dénonce en toile de fond la cruauté manipulatrice de la société, notamment celle émanant de la gent masculine. Malgré la simplicité apparente du personnage de Sonja, Alvis Hermanis parvient à en faire une personnalité riche, à la fois sensible, délicate et romantique. Le décor, très réaliste, permet au spectateur de se projeter immédiatement dans les scènes jouées par les deux protagonistes sur scène. Une réelle volonté du metteur en scène car, selon lui : « Pour connaître vraiment quelqu’un, il faut le voir chez lui, dans son espace propre. L’extérieur, la ville, tout relève de plus en plus d’un balisage urbain très politiquement correct. Par contre, dès que les gens sont chez eux, ils retrouvent souvent la liberté de vivre comme ils l’entendent. C’est pourquoi mes spectacles partent généralement d’un décor intérieur » (NDLR : entretien donné en 2008 à theatrecontemporain.net). Le comédien Gundars Abolins interprète avec virtuosité, et ce dans les moindres détails, le personnage de Sonja, ce qui lui a valu d’être de nombreuses fois primé pour ce rôle. Pour résumer, Sonja est une pièce que nous avons globalement bien appréciée, malgré certains moments qui pouvaient parfois paraître un peu longs. Quelques longueurs qui sont sans doute dues au jeu totalement muet du personnage de Sonja elle-même. Assez linéaire dans son déroulement, l’œuvre décevra ceux qui s’attendaient à un dénouement surprenant ou à une montée en puissance de la tension.
Sonja a connu un succès important lors de sa présentation au festival d’Avignon en 2008. Alvis Hermanis est quant à lui directeur artistique du Nouveau Théâtre de Riga depuis 1998