Cinquante nuances de Grey
de Sam Taylor-Johnson
Romance, Drame
Avec Jamie Dornan, Dakota Johnson, Jennifer Ehle, Eloise Mumford, Victor Rasuk
Sorti le 11 février 2015
Remplaçant au pied levé sa meilleure amie, Anastasia Steele doit interviewer le jeune et richissime homme d’affaires Christian Grey. Lors de cette rencontre professionnelle, la jeune femme tombe sous le charme du bellâtre, ce qui ne semble pas déplaire à ce dernier.
Attiré par cette jeune fille très timide, Christian va peu à peu la séduire et lui faire découvrir la face cachée de son personnage.
C’est l’un des films les plus attendus de l’année, tant par les spectateurs que par les critiques. De fait, Cinquante nuances de Grey (ou Fifty Shades of Grey) avait enflammé le monde de la littérature populaire en 2012 avec son thème si inhabituel : la romance sadomasochiste.
Aujourd’hui, l’adaptation cinématographique pointe le bout de son nez dans les salles obscures et, si elle ne transpire pas une odeur d’intenses ébats sexuels, elle a le mérite d’avoir quelques atouts qui plairont… à celles qui ont lu le livre.
Une histoire qui en rappelle bien d’autres
Vous l’aurez peut-être constaté dans votre entourage, les personnes ayant lu le roman de E.L. James étaient quasi-exclusivement des femmes, jeunes étudiantes ou mères de famille. En partant de ce postulat légèrement réducteur, difficile de les croire animées par une pulsion perverse ou une envie d’en apprendre davantage sur l’usage de la cravache en milieu restreint.
Et pour cause, ce public féminin n’est pas abonné à Jacquie et Michel, mais bien aux récits romantiques édulcorés où une jeune rejetée du lycée s’en va draguer le beau mec du coin, étrangement célibataire. Ce challenge, un rapport de force déséquilibré en matière de séduction, Bella Swan l’a relevé bien avant Anastasia Steele. Si la trame de fond de Cinquante nuances de Grey est totalement différente de celle de Twilight, la finalité est identique. Il sera dès lors peu étonnant de voir à la sortie des salles un public très différent de celui qui avait été voir Nymphomaniac de Lars Von Trier.
Uncle Sam, ce bon vieux puritain
Mais qu’en est-il exactement des scènes de sexe, ces moments torrides que tout un chacun espère voir dans un film érotique ? Et bien, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Il faut dire que nous n’en attendions pas moins d’une production de ce genre. Certes, Dakota Johnson n’est pas farouche et se laisse aisément filmer seins nus. Mais hormis cela, le spectateur a droit à des scènes érotiques de base, comme à l’accoutumée aurions-nous envie de dire.
Ce qui est certain, c’est que – excepté un vieux libidineux de passage – le spectateur n’aura pas son compte en terme de nudité frontale. Cependant, les quelques scènes « osées » sont bien filmées et sont réhaussées d’une bande sonore magistrale.
Une psychologie intéressante
Malgré tous ces défauts un peu prévisibles, il faut tout de même souligner la complexité psychologique intéressante insérée dans le récit par l’auteure.
De surcroit, bien au-delà de l’expérience sadomasochiste, le rapport de force psychologique entre les deux protagonistes est l’élément clé du récit. Partant du principe assez simple du dominant-dominé, la romancière en a repoussé les limites, a flirté avec les bordures de l’insoutenable. Cette opposition totale entre les désirs de l’un et de l’autre vont créer une confrontation pouvant aller jusqu’au crime passionnel.
Cette situation de chaos, le film la retranscrit bien. Néanmoins, nous aurions justement espéré qu’elle perdure et mène à l’inéluctable, ce qui ne sera pas le cas à cause d’un récit trop consensuel au final.
Un casting à moitié réussi
Pour s’immiscer dans la peau de la jeune Anastasia Steele, c’est l’actrice Dakota Johnson qui a été choisie. Disons-le sans détour, l’actrice américaine sauve ce film de la mièvrerie car elle tient parfaitement son rôle. Juste dans ses réactions, dotée d’une palette émotionnelle très intéressante, Dakota Johnson donne admirablement vie à son personnage.
Tout l’inverse de Jamie Dornan qui, malgré une volonté de bien faire, ne possède pas le charisme et l’aura indispensables à la crédibilité de l’histoire. Même si sa plastique est irréprochable, sa juvénilité ne lui permet pas de se mettre à la hauteur de son personnage. Pour incarner un être aussi torturé mais digne de la fascination que lui porte Anastasia Steele, il fallait plus, beaucoup plus… et peut-être plus âgé.
En résumé, Cinquante Nuances de Grey n’est pas le bide annoncé, mais de nombreux défauts, inhérents à l’histoire en elle-même, font de ce film une romance moderne sans relief où le sadomasochisme n’est qu’accessoire(s).