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    Souvenirs de Marnie d’Hiromasa Yonebayashi

    souvenirs de marnie affiche

    Souvenirs de Marnie

    d’Hiromasa Yonebayashi

    Animation

    Sorti le 11 février 2015

    Le temps d’un été, Anna, jeune fille solitaire souffrant d’insuffisance respiratoire, est envoyée par sa mère adoptive à la campagne, dans un petit village au Nord d’Hokkaïdo. Logée chez des parents éloignés, l’adolescente se plait à explorer les marais et y découvre très vite une mystérieuse maison inhabitée. C’est là-bas au cœur des marais, dans un paysage enchanteur, qu’elle se liera d’amitié avec une étrange jeune fille, Marnie.

    Adapté d’un classique de la littérature jeunesse anglaise (« When Marnie Was There » de Joan Robinson) le dernier film d’animation du studio Ghibli est un conte initiatique qui célèbre la mémoire, la transmission et la filiation. On peut y voir un troublant voyage dans les brumes du passé. Mais on peut y déceler aussi, entre les clins d’œil cinématographiques et les signes d’adieu, un vibrant hommage d’Hiromasa Yonebayashi à son maître Hayao Miyazaki dont la mise à la retraite a été annoncée officiellement par le studio Ghibli l’année dernière.

    Le départ du plus grand réalisateur du studio Ghibli tout comme celui d’Isao Takahata n’avaient d’ailleurs pas provoqué que des secousses en terres nipponnes. Parmi les inconditionnels du genre animé, beaucoup se répandaient en désolations sur la perte irréversible des deux mythiques cinéastes. Nombreux étaient aussi ceux pour qui ces sorties annonçaient fatalement la fin de la récréation de la grande maison d’animation japonaise.

    C’est dans cette ambiance de fin de règne qu’Hiromasa Yonebayashi, 41 ans, s’était vu confier un héritage tout aussi prestigieux que pesant : perpétuer à la fois la magie et l’âme du fleuron de l’animation nipponne à travers le monde tout en lui apportant un souffle nouveau. Adoubé par le maitre Miyazaki, il s’est enquis de sa lourde mission en adaptant une des œuvres littéraires pour enfants préférées du réalisateur du Voyage de Chihiro.

    Mais si, en 2010, Yonebayashi avait récolté un franc succès en salles avec son premier long-métrage Arrietty : le petit monde des chapardeurs, l’exploit ne s’est pas reproduit l’année dernière au Japon avec Souvenirs de Marnie. Frappée par le départ définitif de Miyazaki et par les résultats décevants en salles, la direction du studio Ghibli a d’ailleurs annoncé début janvier la cessation provisoire de sa production de longs-métrages.

    Hiromasa Yonebayashi signe donc peut-être avec Souvenirs de Marnie le dernier film du studio d’animation japonais et, par conséquent, les espoirs de le voir reprendre les commandes de plusieurs décennies d’animation de grande envergure volent en éclats.

    Teintée de fantastique mais toujours à la lisière du réel, son œuvre présente quelques airs de famille avec notamment son scénario basé sur les blessures de l’enfance (thème très fréquent dans l’animation japonaise) ouvrant les portes de l’imaginaire. On pointe également quelques références au maître Miyazaki dans les scènes de début qui renvoient à Mon voisin Totoro dans la manière de découvrir un environnement rural avec un littoral mystérieux et fascinant. Mais aussi dans une séquence qui n’est pas sans rappeler l’affiche du film Le vent se lève avec la femme peintre, témoin du temps qui passe. Et puis comme toujours chez Ghibli, la nature y est sublimée. Ici, sous forme de tableaux, entre huiles impressionnistes et aquarelles, elle restitue admirablement la végétation luxuriante de l’île la plus septentrionale de l’archipel nippon et nous plonge à tout instant dans une splendeur visuelle.

    À noter aussi que, si le récit initiatique s’inscrit pleinement dans la lignée du maître, l’imaginaire de son disciple est moins riche. À l’animisme joyeusement psychédélique des classiques de Miyazaki répond ici un réalisme plus froid avec des allégories fantastiques qui se font plus discrètes.

    Véritable jeu entre rêve et réalité, Souvenirs de Marnie fait la part belle au deuil de l’enfance et à l’amour filial. Il dépeint également subtilement l’intériorité de son héroïne ; ses tourments, ses conflits et sa solitude aussi. Cependant, les pièces du puzzle autour du mystère de Marnie tardent à s’assembler offrant au passage quelques baisses de rythme. La fin, par contre, aurait gagné à cultiver quelques mystères. Au lieu d’enlever toute ambiguïté sur les liens unissant Marnie et Anna, Yonebayashi aurait pu, à l’image de ses tableaux impressionnistes, continuer à jouer avec son intrigue par des effets de flou, d’évaporation jusqu’à l’évanescence. Cette maladresse s’explique sans doute par la volonté de rendre son film accessible à un public plus jeune auquel il destinait son œuvre.

    Malgré quelques défauts, Souvenirs de Marnie est un film délicat sur le mal être adolescent qui aurait pu être gentiment niais mais qui est tout simplement touchant.

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