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    Les opportunistes de Paolo Virzi

    les opportunistes affiche

    Les opportunistes (Il capitale umano)

    de Paolo Virzi

    Drame

    Avec Valeria Bruni Tedeschi, Fabrizio Bentivoglio, Valeria Golino, Fabrizio Gifuni, Matilde Gioli

    Sorti le 21 janvier 2015

    Couvert par une avalanche de prix dont 7 David di Donatello et un prix d’interprétation féminine au Tribeca Film Festival, Il capitale umano est pourtant desservi par un scénario imprécis et brouillon.

    Serena et Massimiliano sont un couple modèle : lui, fils des richissimes Bernaschi et elle, fille de Dino Ossola, un agent immobilier ambitieux en ménage avec Roberta, psychologue. La veille de noël, un incident va bouleverser leurs vies. Après une soirée organisée par leur lycée, la voiture de Massimiliano renverse un cycliste sur le bord de la route. L’affaire fait grand bruit mais qui était au volant ?

    Il capitale umano observe scrupuleusement comment l’argent et les ambitions personnelles régissent tous les rapports humains dans une société en crise où le capital est devenu un but en soi. La force du film réside dans le fait que tous les personnages, sans exception ou presque, agissent dans leur intérêt propre, reléguant les rapports humains au rang de prétextes. Seule la relation entre Serena et Luca, un artiste écorché vif, semble désintéressée et pure car honnête. Mais le cynisme est maître dans Il capitale umano où Virzi fait une critique acerbe de la marchandisation des rapports humains.

    Le film se construit en 5 parties : un prologue, trois chapitres qui éclatent le point de vue en trois personnages focaux et un épilogue. Si le film commence par montrer l’accident en focalisation O, on comprend vite que c’est de la volonté de Paolo Virzi de conserver à l’adaptation du roman de Stephen Amidon son aspect de thriller. Les trois chapitres, tous centrés sur un personnage différent, n’auront donc de cesse que de fouiller la culpabilité des protagonistes de l’histoire pour finalement amener le dénouement et se centrer sur les conséquences de leurs actions. Cette structure kaléidoscopique dresse un parallélisme avec tous les films d’Inarritu et plus spécifiquement Amours chiennes dans la thématique.

    Virzi réalise ici un mélange intéressant entre thriller américain, drame français avec des personnages « balzaciens » et comédie italienne dont le principal avatar est le personnage de Dino, un … grotesque campé par un Fabrizio Bentivoglio méconnaissable. Mais là où le bât blesse c’est dans la structure qui ne crée pas la surprise mais maintient le suspense en se sacrifiant elle-même : s’il choisit trois personnages focaux : premièrement Dino, ensuite Carla (Valeria Bruni Tedeschi) et Serena (Matilde Gioli). Il déroge en effet à la suprématie du point de vue limité notamment dans la deuxième partie où il introduit une scène qui n’a aucun rapport avec Carla. Cette imprécision dérange le spectateur et donne l’impression que le scénario fait une entorse à ses propres règles.

    Scénaristiquement parlant, la caractérisation des personnages est le deuxième problème : qu’il s’agisse d’une écriture trop appuyée rendant les personnages caricaturaux – le comité d’administration du théâtre de Carla en est la plus évidente manifestation – ou de l’absurdité de certains rapports, notamment celui liant Massimiliano à Serena. Virzi n’explique pas de manière convaincante quel intérêt elle a à maintenir une relation de pacotille alors qu’elle en aime un autre. En voulant jouer sur plusieurs tableaux en même temps, Virzi crée des imprécisions et oublie d’expliquer ou de résoudre certaines relations entre personnages.

    La réalisation classique de Virzi laisse une place importante à ses acteurs. Et quels acteurs ! Valeria Bruni Tedeschi est magnétique et tire le meilleur parti d’un rôle qui la victimise de manière trop évidente. Sa prestation lui vaut d’ailleurs un prix d’interprétation au Festival du Film Tribeca. Épaulée par un Fabrizio Bentivoglio méconnaissable et une excellente Valeria Golino, elle prouve que Virzi est un excellent directeur d’acteurs, tant leur tâche de lier tous les aspects du film était rendue complexe par le scénario.

    Si le film fonctionne dans les grandes lignes, ce sont les détails qui font de Il capitale umano un film plus mitigé qu’il n’en avait l’ambition. Il ne s’agit pas d’un ratage, loin de là, mais d’une réussite en demi-teinte due principalement à l’écart entre un sujet passionnant et un traitement qui aurait mérité plus de précision.

    Mathieu Pereira
    Mathieu Pereira
    Journaliste

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