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    Club Lonely, la mélancolie du baudrier

     

    Titre : Club Lonely
    Auteur.ice : Pelle Forshed
    Edition: L’Agrume
    Date de parution : 20 mars 2025
    Genre du livre : Roman graphique

    Quel est le point commun entre le Septième sceau d’Ingmar Bergmann, un baudrier, Lil Louis, Garfield et du thé à la camomille ? La réponse est simple : Club Lonely. Derrière ces deux mots assez évocateur, se terre un auteur de bande dessinée timide qui a radicalement besoin d’un peu de visibilité pour que son dernier album ne tombe pas aux oubliettes. Benedikt Bergström vient de sortir ce qu’il considère comme un chef-d’œuvre et guette avec impatience la chronique de Mathias Ortiz, journaliste influent dans le domaine. Mais le problème, c’est que, comme les prédictions des tireuses de cartes, cet article ne se réalise jamais. La presse n’a d’yeux que pour Boel Flood qui est l’autrice désabusée d’un remake intergalactique de Garfield. Mais Benedikt Bergström n’entend pas baisser les bras si vite. D’ailleurs il commence l’escalade, ce qui l’oblige à lever le coude de temps en temps. Enfin au sens littéral du terme, parce que Benedikt ne consomme que de la tisane. Même quand ses pas croisent ceux du célèbre critique qui, lui, de son côté a la main lourde sur la bibine.

    L’auteur de bande dessinée n’est pas comme l’écrivain, une figure romantisée. Assez séduisante que pour se faire pardonner ses excès, ses doutes et même son syndrome de la page blanche. Non, dans les mythes populaires, le bédéiste est un binoclard, voûté et trop sensible. Quand il n’est pas gros et barbu. Ce stéréotype est à la bande dessinée ce que l’alcoolisme est à Ortiz, une mauvaise habitude qui a la vie dure. Et c’est justement ce schéma qui sert à Pelle Forshed dans l’écriture de son personnage.

    Et puis l’ouvrage revendique une extrême simplicité. Pelle Forshed cherche, comme son héros, à montrer le quotidien dans sa plus grande intimité. Sans maquillage. Sans costume (sauf si c’est celui de la mort dans le Septième sceau). Il se veut à l’image de Paul Auster. Nous lui ajouterons Jim Jarmusch. Club Lonely est un hommage. Au cinéma de Bergman et à la musique de Lil Louis. Mais aussi à des auteurs de bande dessinée qui ont littéralement révolutionné l’art d’écrire le quotidien. Ce n’est pas pour rien que Club Lonely s’ouvre sur l’amour que porte Bergström au célèbre personnage de Jimmy Corrigan. Mais la référence avec ce mastodonte de la bande dessinée qu’est Chris Ware ne met pas forcément l’auteur suédois en valeur. Forshed est bon. Mais il ne parvient pas complètement à se démarquer sur un sujet qui a déjà été traité.

    Ensuite, vient l’humour évidemment. Sans son ressort ironico-comique, un tel narratif ne pourrait pas fonctionner. Et c’est dans ce domaine que Forshed score. Son personnage est désabusé. Geignard. Ahuri. Mais surtout, victime de sa propre non-existence. Il a le chic pour s’embourber dans des situations affolantes dont il rend toujours les autres coupables. Et évidemment, ce genre de personnages représente un levier humoristique indéniable. Mais Club Lonely, sous couvert de légèreté, traite d’un sujet sérieux, la précarité des professions artistiques. Dans un monde où la nécessité de la culture est remise en question, il est important d’élever la voix. On croit, à tort, qu’une fois l’album sorti, l’auteur est à l’abri des soucis. Ce mythe s’instaure dans nos esprits car les seuls moments de galère qui nous parviennent sont généralement ceux qui précédent la publication, à savoir l’écriture ou la recherche d’éditeur. Mais le marché de la bande dessinée est plus complexe et, preuve en est, la rentabilité d’un album dépend de beaucoup d’acteurs. Le chemin est long et la reconnaissance médiatique est primordiale. Alors pour éviter à Forshed une dépression carabinée, soutenons Club Lonely. Et surtout, parlons-en !

     

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