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    La guerre des émeus : du théâtre documentaire qui frappe en plein cœur 

    Sur l’affiche, le portrait d’une autruche, regard fixe face à l’objectif, parée d’un casque militaire, concentre l’attention et a de quoi faire rire. Le contraste entre l’innocence de l’animal et le titre dramatique de la pièce donne le ton. Sous son air léger et absurde, La guerre des émeus interroge de façon profonde notre rapport au vivant, dans une sorte de théâtre documentaire surprenant et particulièrement touchant.  

    Conversations et plongées dans l’histoire 

    En 1932, l’homme a fait la guerre à une sorte d’autruche. Une sorte d’autruche un peu moche… Et l’homme a perdu cette guerre. Nous, on a retrouvé des rapports militaires de l’époque, des articles de journaux, des procès-verbaux, des interviews et on en a fait un spectacle.

    Sur l’écran au centre de la salle, les pièces à conviction sont disposées soigneusement par les mains gantées des protagonistes, en charge de comprendre un conflit insensé déclaré au fin fond de l’Australie Occidentale dans les années 30. Le « projet », tel qu’il est nommé, est clair et les spectateurs sont immédiatement transportés dans l’enquête. Archives, rapports militaires, photos d’époque et enregistrements sonores provoquent tour à tour effroi, confusion et sourires nerveux. Comment a-t-on pu tuer de façon si brutale, avec l’aide de l’armée, des milliers et milliers d’autruches, sous seul prétexte de leur présence naturelle dans la région ? Pour y répondre, les acteurs (re)jouent sur scène des faits historiques et se retrouvent dans des situations grotesques. Tout en donnant à voir la condition de l’Homme face à cette tragédie. 

    Entre défense du vivant et de l’humain

    Personne ne peut demeurer insensible à l’écoute de la guerre des émeus. Vraiment personne ? Alors que les personnages se dévoilent peu à peu, à coups d’introspection et d’anecdotes de jeunesse au cœur de la campagne, on découvre que, malgré la communion affichée, chacun dispose de son propre rapport au vivant et court après un objectif différent.  Jusqu’où peut aller l’homme pour protéger la faune et la flore ou pour accélérer leur déclin ? Tourné en dérision, le théâtre documentaire présente ici le paradoxe de ceux qui se sont engagés pour dénoncer la violence sur les émeus, sans même savoir vraiment pourquoi, et qui peuvent aussi être capables du pire. Et l’on finit alors par se demander si nous serions un jour véritablement en mesure de cohabiter en harmonie avec notre écosystème. 

    Une pièce captivante (et une fin utopique ?)

    La guerre des émeus est un documentaire tragi-comique que l’on n’attend pas mais qui nous saisit à point, porté par la fougue impressionnante des acteurs sur scène. Quand soudain, à environ 15 000 kms de l’Australie et de l’histoire désolante des émeus, en deuxième partie de la pièce, Siam, Camille, Aurélie et Mattéo nous font revenir en Belgique, à Nidrum, pour nous conter un récit merveilleux. Celui d’un village où des femmes et des hommes se sont alliés avec la nature, au point de faire croître la faune locale. Une sorte de pacte implicite qui dure et qui aura nécessité reconnaissance, adaptabilité et tolérance. 

    On ne saura jamais si cette dernière histoire était vraie, ou plutôt, on préférerait ne pas savoir – car à l’occasion de quelques recherches rapides en ligne, la dure réalité finit toujours par nous rattraper. 

    C’est avec les yeux un peu embués que l’on a applaudi avec ferveur la fin de La guerre des émeus, alors qu’une phrase nous reste en tête. Tandis que l’Homme s’interroge, s’indigne et tue, ou l’inverse, « eux [les animaux], ils vivent, c’est tout ». À voir pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aussi bien à la nature qu’à la complexité de notre condition humaine. 

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